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Editions Actes Sud
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Lorsque j’ai commencé à lire ce livre, je ne connaissais pas Nadia Comaneci. Je n’avais pas en tête cette performance qui l’a fit connaître au monde entier lors des Jeux olympiques de 1976. Ce 10/10, première historique, cette gymnaste miraculeuse et si fluette. Question de générations, sans doute.

Lola Lafon s’emploie, à partir de ce souvenir-là, de dessiner, d’écrire et de réécrire Nadia Comaneci. Le mystère derrière ce corps et ce visage fermé. Capturer un moment historique à travers ce qui l’a construit, saisir le miracle de l’inattendu. A travers un vrai-faux dialogue avec une Nadia Comaneci inventée, l’auteure cherche à défaire, à comprendre, à sentir, aussi. Il ne s’agit pas d’une addition simple de causes faciles, mais l’équilibre délicat entre un corps, un spectacle, des institutions, des volontés et des non-dits.

La démarche de cette enquête qui joue au vrai pour mieux s’approcher du réel, m’a beaucoup plu. Elle questionne discrètement le métier de l’écrivain, son rapport à la vérité. L’histoire se construit à même l’Histoire. Le personnage de Nadia Comaneci vient elle-même corriger l’auteure, la nuancer et interroge par là le lecteur dans ses certitudes et ses croyances. Mais cette Nadia est également née de l’écriture, d’une imagination. La forme du faux dialogue permet un double point de vue, une sorte de recul. Les notes de Nadia, à la fin des chapitres, viennent questionner immédiatement ce qui a été dit.

Le récit sait décrire les ambivalences et les contrastes. La virtuosité leste des gestes de la gymnaste, cette extraordinaire fluidité s’oppose à la dureté des entraînements, des corps contraints, des mouvements mille fois répétés, à l’ombre inquiétant du risque de la blessure. Est peinte aussi une image nuancée de la Roumanie communiste et des oppositions entre l’Est et l’Ouest. Peu à peu, les différents niveaux se dessinent : la vie de Nadia, son entourage, le système de production des sportifs, la Roumanie, le monde et ses tensions. Ainsi, la dimension politique du sujet se diffuse dans le roman sans être déformé par le déroulé d’une histoire trop simple.

Au cœur du roman, il y a ce petit corps féminin, dans toute sa grâce, qui questionne. Qui questionne la construction de la féminité, qui questionne à sa manière chacun des systèmes, qui questionne ses propres limites, qui questionne son propre mystère.

L’ensemble forme un roman très agréable à lire, qui traite son sujet avec nuance, sait dénouer les attentes. Le tout est porté par l’écriture de Lola Lafon, très sensorielle, comme si elle avait voulu retrouver quelque chose de la fluidité des gestes de la gymnastique.

@AFP
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La petite communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon, Actes Sud, 310 p.

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