Dans le Tarn, le musée-mine de Carmaux-Cagnac vous ouvre les portes sur huit siècles d’histoire(s) ! Ici, on ne cherche pas tant à sauvegarder un patrimoine mais plutôt le souvenir d’une aventure qui a marqué de nombreuses générations. L’histoire du bassin minier de Carmaux est une épopée qui s’est construite au fil de l’évolution des techniques et des luttes sociales. Une histoire d’hommes et de femmes qui ne doit pas tomber dans l’oubli. Partons sur les traces de cette histoire industrielle et humaine passionnante…
Sommaire
Le Tarn et le charbon : une vieille histoire…
Bien avant l’arrivée des compagnies minières, c’est dès le XIIIe siècle que l’on a commencé à exploiter des affleurements de charbon. Des paysans-charbonnier creusaient alors dans leurs terrains des galeries artisanales peu profondes pour extraire du charbon qu’ils vendaient eux-mêmes sur les marchés. Cette exploitation reste cependant marginale : sur 500 ans, entre 1250 et 1750, environ 500 trous ont été creusés pour une production de 500 000 tonnes de charbon, l’équivalent d’une seule année de production au début du XXe siècle !
A partir du XVIIe siècle, l’utilisation du charbon se généralise en Europe et Louis XV décide de réglementer son exploitation. En 1744 il nationalise les sous-sol : dès lors, il faut obtenir une concession pour pouvoir ouvrir une exploitation. Dès 1748, Antoine Paulin de Solages, puis son frère le chevalier de Solages, obtiennent le précieux sésame. Grand entrepreneur, le chevalier de Solages cherchera à mécaniser l’exploitation de la mine grâce à des machines à molettes et construira une verrerie qui utilisera le charbon comme combustible si bien qu’en 1806 déjà 218 ouvriers travaillent dans les mines de Carmaux.
Vers une mécanisation des exploitations
En 1810, les concessions deviennent des propriétés perpétuelles. A la mort du chevalier, son fils reprend l’exploitation, fonde l’Entreprise des Mines et de la Verrerie de Carmaux de Solages, père et fils et ouvre 3 nouvelles fosses. Avec la Révolution Industrielle, l’exploitation se modernise : machines à vapeur et wagonnets font leur apparition dans les mines. Pour augmenter les débouchés commerciaux, la famille de Solages se lance parallèlement dans l’aventure du rail et crée une ligne de chemin de fer reliant Carmaux à Albi. En 1860, on compte 1 000 mineurs à Carmaux !
Quand la Grande Guerre arrive, de nombreux mineurs des bassins occupés du Nord affluent dans le Sud pour aider les mineurs carmausins. La production atteint un record en 1918 avec 850 000 tonnes contre 500 000 en 1914. Après guerre, de nouveaux outils mécaniques entrent dans les mines : haveuses, perforateurs, explosifs, racloirs, couloirs oscillants… Le travail des mineurs se fait dans le bruit et dans la poussière mais leur vie quotidienne s’améliore avec l’apparition de nouveaux logements, les corons, dotés de leur propre jardin. 1 500 habitations naissent ainsi dans les années 40 ; on construit également une école primaire, des parcs, un stade ; on crée des allocations et des bourses d’études… tout est fait pour fidéliser les mineurs.
La mort annoncée de l’activité minière
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les mines sont nationalisées ; celles de Carmaux passent sous la coupe des Houillères du Bassin d’Aquitaine. On modernise alors à tout va en mécanisant et électrifiant le fond : 4 000 mineurs produisent désormais 1,7 million de tonnes ! La production est à son apogée mais les charbons d’importation moins chers et l’arrivée de nouvelles sources d’énergie annoncent dès 1958 la fin prochaine de l’activité minière en France et les puits ferment progressivement.
En 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir laisse entrevoir une relance de l’activité. L’Etat lance un vaste projet : la Découverte Sainte-Marie, une nouvelle forme d’extraction à ciel ouvert. L’immense chantier démarre en 1985 sur 600 hectares ! Les emplois sont conservés mais les mineurs peinent à adhérer à ce nouveau travail qui n’a plus rien à voir avec celui dans les mines et, surtout, le résultat économique n’est pas au rendez-vous. En 1997 le chantier cesse : c’est la fin de l’exploitation minière dans la région.
L’heure de la reconversion
Pour faire face à une baisse de la population et à la hausse du chômage, la fin de l’exploitation du charbon est accompagnée d’un projet de reconversion porté par Paul Quilès, député du Tarn. On envisage alors de valoriser le site de la Découverte : cet immense cratère de 220 mètres de profondeur et 1,2 km de diamètre est soumis à un concours international d’idée et donne naissance à Cap’Découverte, un pôle mutiloisirs composé d’un centre sportif (piste artificielle de ski, luge sur rail, tyrolienne, skate-park, activités aquatiques) ; du parc des Titans mettant en scène les impressionnantes machines qui ont, jadis, servi à l’extraction du minerai ; d’une maison de la musique et d’un hôtel. Ce pôle devint ainsi complémentaire au musée-mine dédié à l’histoire minière de la région.
Le musée-mine pour préserver cette riche histoire
L’histoire minière du bassin Carmausin s’étale donc, on l’a vu, sur huit siècles. Une histoire qui a embarqué dans son sillage des milliers de familles de mineurs. Si bien que lorsque l’on commença à détruire le dernier chevalement, six anciens mineurs se sont mobilisés pour stopper les travaux et sauvegarder le souvenir de leur métier. Ils lancèrent le projet fou de reconstituer une galerie souterraine de 350 mètres pour permettre à leur famille de venir découvrir ce qui fut leur quotidien.
L’engouement fut rapidement au rendez-vous, transformant cette formidable initiative en musée, devenu musée départemental depuis 2009. Aujourd’hui, le musée-mine de Cagnac-les-Mines préserve cette histoire notamment grâce à plusieurs fonds de photographies. Plusieurs années après sa création, la galerie souterraine reste un incontournable qui permet au visiteur d’être en pleine immersion dans la mine.
Cette reconstitution est en effet remarquable et d’autant plus impressionnante quand on sait qu’elle a été réalisée par une poignée de passionnés ! Casque sur la tête, on y accède par un ascenseur plongé dans la pénombre qui permet de se glisser dans la peau d’un mineur. On imagine alors à quel point la descente devait être impressionnante, surtout pour les plus jeunes qui accédaient pour la première fois dans ce monde sous-terrain.
On peut ensuite voir dans les galeries les différents types de soutènements, les machines qui étaient utilisées ainsi que l’impressionnant (et bruyant !) système de ventilation. Cette reconstitution est la meilleure façon de se rendre compte de la pénibilité du métier de mineur. A visiter absolument !
LIRE AUSSI : La nouvelle vie des sites miniers du Pas-de-Calais, une mine d’atouts
Le bassin tarnais, terre des premiers mouvements ouvriers
Les mines de du bassin tarnais ont connu plusieurs mouvements ouvriers grâce à une grande solidarité entre les mineurs.
L’une des grèves les plus marquantes fut celle de 1892 qui fit suite au licenciement du mineur Jean-Baptiste Calvignac élu maire de Carmaux ; la compagnie des mines lui reprochant ses absences pour ses obligations d’élu municipal. Les mineurs virent dans ce licenciement une remise en cause du suffrage universel et du droit de la classe ouvrière à pouvoir s’exprimer sur la scène politique.
Jean Jaurès forgera son militantisme politique autour de ce mouvement en soutenant les grévistes. Jaurès qui était un intellectuel bourgeois sera transformé par cet épisode et en sortira socialiste.
Au final, le gouvernement donnera raison aux mineurs et accordera un congé illimité à Jean-Baptiste Calvignac pour qu’il puisse exercer ses fonctions de mères. Solages, le député de la circonscription et propriétaire de mines, démissionnera de son siège à l’Assemblée ce qui provoquera des élections anticipées lors desquelles Jaurès sera élu député.
L’espace Jaurès à Pampelonne
Depuis 2014, la commune de Pampelonne a ouvert l’Espace Jaurès et propose aux visiteurs de (re)découvrir le célèbre tribun tarnais. Lettres manuscrites, photographies, films et témoignages d’époque permettent de comprendre qui était Jean Jaurès et comment il est devenu l’un des plus grands hommes politiques français.
De passage dans le Tarn, ne manquez pas d’aller visiter le Musée-Mine ou l’Espace Jaurès, deux lieux incontournables pour comprendre l’histoire de la région.
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Merci à Tarn Tourisme et tout particulièrement à Véronique et Christian pour leur accueil.
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Je fais ma généalogie. Mon arrière Grand Père Englemond DEWALLE a été sûrement mineur dans le Tarn puisque son fils mon Grand père est né à Dourgne en 1918.
Puis-je trouver des photos ? Nous sommes originaires du Pas-de-Calais et j\’habite aujourd\’hui l\’ile de la Réunion.
Cordialement
Mlle Dominique DEWALLE
Je suis d\’Albi et j\’emprunte très souvent l\’ancien chemin des mineurs pour y faire des randonnées.
C\’est sur ce chemin qu\’un patron à ma mère qui travail chez lui en tant que femme de ménage qui aujourd\’hui est décédé, qu\’il se rendait à la mine pour y aller travailler car il était mineur.
Puis, ma mère fait le ménage chez l\’ancien directeur de la mine de Cagnac qui s\’appelle Monsieur François
Merci pour cet article. Je viens de visiter le musée mais je n ai pas pris de notes. Vous rafraîchissez ma mémoire défaillante.