Résumé :
Il est écrivain, elle est comédienne. Ils ont deux enfants.
Il découvre qu’elle a une autre relation mais elle ne peut se résoudre à quitter l’un ou l’autre.
Aimé à moitié, il décide de partir en Italie sur les traces de son passé et s’interroge sur sa vie amoureuse.
Avis :
Roman ou autobiographie ? Difficile de dire dans quelle catégorie se situe ce livre mais on peut avancer sans grand risque qu’il s’agit là d’une autofiction. Après Le premier amour et La première défaite, Amigorena nous parle d’une nouvelle histoire amoureuse. Sa relation avec Philippine est maintenant révolue, il est marié et père de deux enfants. Pourtant, c’est une nouvelle défaite qui fait l’objet de ce nouveau livre. Le narrateur se retrouve aimé à moitié puisque sa femme tombe amoureuse d’un autre homme. Pour faire face à cette situation, il se lance dans un double voyage : géographique et intérieur, sillonnant l’Italie tout en s’interrogeant sur sa situation.
Si vous avez déjà lu Amigorena, il ne vous aura pas échappé qu’il entretien avec l’écriture un rapport très personnel, pour ne pas dire vital. Si Des jours que je n’ai pas oubliés est une merveilleuse déclaration d’amour à la femme aimée, on y lit aussi une relation extrêmement forte avec l’écrit, pratique douloureuse mais salvatrice :
Encore une fois, comme tant de fois, il a pensé à en finir, il a eu envie d’en finir, et il a eu la force – ou la faiblesse – de l’écrire.
Dans ce roman, les textes écrits par le narrateur (présentées en italique et à la première personne) succèdent aux passages plus descriptifs, à la troisième personne. Grâce à ce procédé, on alterne entre introspection et récit, ce qui permet de plonger à la fois dans la vie mais aussi dans les sentiments du narrateur.
J’avais beaucoup aimé les précédents livres d’Amigorena (voir Le premier amour et La première défaite) dans lesquels on retrouvait déjà ces introspections amoureuses et ce rapport très fort à l’écriture. Je leurs reprochais cependant quelques longueurs heureusement disparues dans Des jours que je n’ai pas oubliés : plus court, plus épuré, plus intense. L’auteur n’a gardé que l’essentiel, chaque page est remplie de beauté et de poésie.
Pour finir, un petit mot sur le contexte qui entoure la sortie de ce livre. Amigorena a vécu plusieurs années avec Julie Gayet et, bien qu’aucun nom ne soit mentionné, il y a peu de doutes à avoir sur l’identité de la comédienne mentionnée dans le livre. En raison de l’actualité « présidentielle » de l’actrice, Des jours que je n’ai pas oubliés se retrouve pour de mauvaises raisons sous le feu des projecteurs. Il ne faut pas chercher à trouver dans ce livre quelques potins mais simplement le prendre pour ce qu’il est : le témoignage unique d’un homme amoureux, peu importe la femme qui se cache derrière ces pages.
Extraits :
Extrait 1/5
Encore une fois, comme tant de fois, au lieu de sauter, il a pris son stylo, il a pris son cahier. Encore une fois, comme lorsqu’il avait vingt ans, comme lorsqu’il avait trente ans, il a écrit ce qu’il aurait pu faire : au lieu de simplement mourir, il a écrit son désir d’être mort. Encore une fois, l’écriture l’a éloigné de la vie – fût-ce de la fin de la vie.
Encore une fois, comme tant de fois, il a pensé à en finir, il a eu envie d’en finir, et il a eu la force – ou la faiblesse – de l’écrire.
Encore une fois, comme tant de fois, malgré lui, l’écriture lui a sauvé la vie.
L’écriture a cet étrange privilège : elle nous éloigne de la vie lorsqu’elle est la plus vivante exactement de la même façon dont elle nous en éloigne lorsqu’elle est la plus morbide.
Il ne cessera pas d’écrire. L’écriture est la souffrance qui lui permet de ne pas mourir de toutes les autres souffrances. En lui, l’écriture ne calme rien : une souffrance est simplement remplacée par une autre souffrance.
Et, de souffrance en souffrance, il ne cesse de vivre, il ne cesse de mourir.
Extrait 2/5
Plus jamais ça.
Plus jamais, en tout cas, je ne tairai la jalousie. Plus jamais je ne la laisserai devenir de la haine. Plus jamais je ne mêlerai les enfants à ma peine.
La prochaine fois – si jamais, par le plus grand des bonheurs, il devait y avoir une prochaine fois –, j’appellerai quelque premier assistant ou quelque stagiaire régie pour simplement lui dire : informez cette comédienne magnifique qui ravit vos yeux à tous que son cœur me manque, que de tous les regards qui la caressent en ce moment précis c’est mon regard absent qui l’aime encore le plus, que de tous les amours que sont talent et sa beauté suscitent c’est mon amour qui la chérit le mieux, que de tous les désirs que la pulpe de son corps attise c’est mon désir qui, faute d’être peut-être celui qu’elle désire toujours le plus, est le seul qui lui est et lui sera toujours fidèle, car il désire autant son présent que son passé, car il désire autant son corps que son esprit.
Extrait 3/5
L’histoire était banale : elle était comédienne et, après l’avoir aimé exclusivement pendant quelques années, après avoir eu deux enfants, après avoir eu trente ans, elle était tombée amoureuse – profondément amoureuse – d’un comédien.
Extrait 4/5
Il écrivait depuis toujours. Il avait toujours beaucoup écrit. Pendant une dizaine d’années, il avait cessé d’écrire de la prose ou de la poésie pour écrire les scénarios qui lui permettaient de gagner sa vie. Il se plaignait constamment de n’avoir pas le temps d’écrire de la littérature. Et puis un jour, il avait cessé de se plaindre et il avait commencé simplement de se lever tôt et d’écrire chaque matin quelques phrases de ce projet assez monstrueux qui avait mijoté dans sa tête pendant des années : la biographie et tout à la fois les œuvres complètes d’un narrateur graphomane animé d’un seul désir – celui de cesser d’écrire.
Il avait publié un fragment de ce qu’il considérait être son grand œuvre peu après l’avoir rencontrée. Depuis cette publication, écrire avait encore plus de sens : il ne se sentait pas seulement justifié, jour après jour, par le simple fait de coucher des mots sur le papier, il se sentait soulagé à chaque fois qu’il parvenait à abandonner à son éditeur un morceau de son passé.
Ecrire le justifiait – cela lui permettait de survivre, jour après jour, à la mélancolie qui le submergeait – ; publier le soulageait – cela apaisait la nostalgie macabre dont il savait qu’il souffrirait toujours.
Extrait 5/5
Jamais plus. Ces deux mots revenaient sans cesse à son esprit. Ils étaient obsédants. Ils occupaient la totalité de ses pensées. Jamais plus. Juste deux mots, à peine trois syllabes. Tout juste dix lettres. Mon Dieu. Jamais plus ses yeux dans ses yeux. Jamais plus sa main dans sa main. Jamais plus ses baisers dans son cou. Jamais plus ses lèvres ni ses lèvres. Jamais plus son corps dans la nuit. Jamais plus leurs marches interminables dans Paris, collés l’un à l’autre, réglant leurs pas l’un sur l’autre. Jamais plus il ne la tiendrait, ses doigts enfoncés sous ses côtes. Jamais plus elle ne serait sienne. Jamais plus il ne serait sien. Jamais plus leur chambre. Jamais plus leur lit. Jamais plus leur scooter. Jamais plus d’été.
Interview de l’auteur :
Note : 2014 – 248 pages – ISBN : 978-2-8180-2002-9
Santiago H. Amigorena – Franco-argentin
Source de l’image : Renaud Monfourny
Des personnes ont réagi à cet article
Voir les commentaires Hide commentsJe ne suis pas mort.Je ne suis pas en vie .J’écris…
C’est ainsi que se termine ce super roman autobiographique?je le pense ,un hymne à l’Amour ,l’amour pour cette femme qui l’a quitté pour un un autre,qui l’a profondément aimé pourtant.
Son espoir qu’elle revienne, sa déchirure,
Ce pèlerinage dans toutes ces villes d’italie ou ils sont allés
Bien sûr on pense que cette comédienne pourrait être Julie Gayet
L’important est le plaisir de lire une histoire d’Amour,vécue sûrement pour être aussi émouvante
[…] été très touché par Le premier amour puis par La première défaite. Son dernier roman, Des jours que je n’ai pas oubliés, est dans la même trempe : touchant, poétique, poignant, à lire […]
Commentaire : merci beaucoup joli palaze à vous moi je suis d’accord avec vous mais se que vous allez tous bien vouloir me faire un bon moment