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Dans le monde de l’hôtellerie, le Ritz est synonyme d’excellence. La notoriété de l’établissement parisien n’est plus à faire : depuis sa création en 1898, le Ritz a su séduire des générations de clients, anonymes ou célèbres comme Ernest Hemingway, Coco Chanel, Proust ou – plus récemment – Madonna, Rihanna, Anna Wintour… qui ont contribué à faire grandir sa réputation.

Si le Ritz Paris a pu devenir un lieu si prestigieux, c’est avant tout grâce à un couple d’entrepreneurs : César et Marie-Louise Ritz, qui ont tout inventé – ou presque ! – de l’hôtellerie moderne. Retour sur leur histoire.

César Ritz, l’élève médiocre qui révolutionna l’hôtellerie

César Ritz
César Ritz (1850-1918)

Lorsqu’il ouvre le Ritz en 1898, César Ritz a déjà une belle expérience hôtelière derrière lui. Pourtant, rien ne le prédestinait à un tel parcours. Né en 1850 dans une famille modeste de paysans suisses, il est le benjamin d’une fratrie de treize enfants. Peu brillant à l’école, il est placé comme apprenti sommelier dans un hôtel du Valais où il est rapidement renvoyé en raison de sa maladresse. Il s’essaiera ensuite à différents métiers de serrurier à sacristain en passant par intendant mais rien qui ne l’enthousiasme vraiment.

L’année 1867 marque un tournant dans sa jeune carrière : à l’aube de l’exposition universelle de Paris, il quitte la Suisse pour postuler dans les restaurants parisiens. Tour à tour serveur, sommelier, garçon d’étage, puis maître d’hôtel, il fait ses armes dans l’hôtellerie. Aux côtés de l’aristocratie qu’il fréquente au quotidien, il apprend le savoir-vivre de la bonne société et se constitue un réseau parmi les personnalités de l’époque comme le futur roi d’Angleterre Edouard VII aux côtés de qui il imagine le palace moderne.

Avec un CV désormais solide, César Ritz prend la direction d’hôtels de plus en plus prestigieux. Nourri par ces nombreuses expériences, il ambitionne de lancer sa propre affaire si bien qu’en 1880, il achète avec un associé un hôtel de luxe à Trouville-sur-Mer dans lequel il place toutes ses économies. L’expérience est un échec, mais ne le décourage pas pour autant et lui apprend une leçon capitale pour la suite de sa carrière : un grand hôtel doit aussi avoir un grand chef. C’est ainsi qu’à partir de 1882, il débute une collaboration avec celui que l’on surnomme de « roi des cuisiniers, cuisinier des rois » : Auguste Escoffier.

Auguste Escoffier : le chef qui inventa la cuisine moderne

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Auguste Escoffier en 1914

Aux côtés de César Ritz, Escoffier va révolutionner la cuisine des palaces qu’il modernise et professionnalise. On lui doit ainsi le concept de brigade de cuisine qui contribuera à faire reconnaître internationalement la cuisine française.

La naissance du Ritz

Depuis 1877, César Ritz est marié à Marie-Louise Beck qu’il a rencontrée à Lucerne. En couple dans la sphère privée comme dans les affaires, César et Marie-Louise font un duo de choc ! Marie-Louise est une femme de goût qui se charge de la décoration des hôtels.

Vingt ans plus tard, en 1897, le couple se lance dans le projet de leur vie en faisant l’acquisition de deux hôtels particuliers, tous deux situés sur la place Vendôme à Paris, l’une des cinq places royales de Paris, dessinée par le célèbre architecte Jules-Hardouin Mansart. Il s’agit de l’hôtel de Crozat construit en 1703 au numéro 17, ainsi que son voisin, l’hôtel de Gramont construit en 1705, au numéro 15. Ces deux hôtels ont la particularité d’avoir été construits par le même architecte, Pierre Bullet, à qui l’on doit également la Porte Saint-Martin ainsi que l’église Saint-Thomas d’Aquin.

Les Ritz confient à l’architecte Charles Mewès la transformation des deux hôtels particuliers en un hôtel de luxe et le 1er juin 1898, le Ritz ouvre ses portes avec leur complice Auguste Escoffier aux commandes des cuisines.

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Le Dîner à l’hôtel Ritz, Paris (1904), Pierre Georges Jeanniot

L’hôtel du futur

En cette fin du 19e siècle, le Ritz propose des prestations devenues la norme dans tous les hôtels mais qui étaient, à l’époque, révolutionnaires : c’est le premier hôtel au monde à disposer d’une salle de bain et de toilettes dans chaque chambre ; on y trouve aussi des ascenseurs, et des postes de téléphone dans les 159 chambres.

Un nom entré dans le dictionnaire

Prenez un dictionnaire anglais, ouvrez-le à la page des « R », vous y trouverez le mot « ritzy » [ˈrɪtsɪ] qui signifie « Classe, très chic, luxueux ».

Quant à l’expression « To put on the Ritz », elle est utilisée en argot américain pour signifier « se mettre sur son 31, s’habiller de façon très chic ». Irving Berlin en fit une chanson devenue un standard de jazz, interprétée tour à tour par Harry Richman, Fred Astaire, Judy Garland, Clark Gable, Ella Fitzgerald ou plus récemment Robbie Williams.

Eh oui, outre-Atlantique, Ritz est devenu synonyme d’élégance !

La « révolution Ritz » ne s’arrête pas là : pour que les clients aient l’impression de vivre dans un palais, la décoration des pièces tire son inspiration des plus grands châteaux français comme Versailles ou Fontainebleau. Les Maisons les plus prestigieuses fournissent le Ritz : rien n’est trop beau pour cette clientèle fortunée. Côté cuisines, Escoffier lance le menu à la carte avec un travail à la chaine qui permet de proposer des plats nombreux avec un temps d’attente relativement court. Dans la catégorie des premières fois, le Ritz sera aussi le premier établissement à proposer du pain frais à ses clients.

Escalier du Ritz

Marie-Louise Ritz : la femme dans l’ombre du Palace

César et Marie-Louise Ritz
César et Marie-Louise Ritz en 1888

Dans le couple Ritz, César est le plus connu, pourtant Marie-Louise n’a rien d’une figurante. Passionnée de design, elle aussi contribue à la « révolution Ritz ».

Le premier bar dédié aux femmes dans un hôtel : c’est elle ; l’escalier large et les marches moins hautes pour convenir aux robes et aux talons des dames : c’est elle ; l’éclairage indirect : c’est elle ; les placards avec lumière intégrée : c’est encore elle ! Marie-Louise Ritz pousse le sens du détail jusqu’à choisir la couleur pêche des serviettes de bain pour valoriser le teint de ses clientes.

C’est aussi elle qui a eu l’idée de créer la « galerie des vitrines » qui rejoint les deux espaces du Ritz en créant un passage parisien à l’intérieur de l’hôtel, avec des boutiques pour permettre aux clients de faire du shopping sans sortir du palace.

A la mort de César Ritz en 1918, Marie-Louise prend la direction des hôtels Ritz avec la difficulté d’être une femme dans un monde patriarcal qui l’exclue de certaines réunions d’affaires. Elle œuvra pourtant jusqu’en 1953 à la tête des hôtels qu’elle dirigea avec poigne.

Un hôtel entré dans la légende

Si le Ritz est aujourd’hui si célèbre, c’est bien sûr grâce à ses prestations mais aussi grâce aux personnalités qui l’ont fréquenté. Colette, Jean Cocteau, Sacha Guitry, Arletty, Cole Porter, Luisa Casati ou encore Francis Scott Key Fitzgerald y ont tous séjourné.

Il y eut aussi et bien sûr Coco Chanel qui restera 34 ans au Ritz, de 1937 jusqu’à sa mort le 10 janvier 1971 ; Marcel Proust qui s’inspira de la clientèle de l’hôtel pour écrire son célèbre roman « A la recherche du temps perdu » et à qui le Ritz a rendu hommage en donnant son nom au salon de thé à la française ; Serge Gainsbourg qui aurait écrit au Ritz sa célèbre chanson « Je t’aime moi non plus » et puis Ernest Hemingway qui fréquentait l’établissement – et surtout son bar !

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Melle Chanel à l’hôtel Ritz en 1938, photographie de François Kollar, collection du Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris

« Quand je rêve d’un paradis après la mort, je vois le Ritz !

Ernest Hemingway

Quand le passé rejoint le futur

Rester moderne quand on a traversé trois siècles n’est pas une mince affaire, c’est pourquoi le Ritz se réinvente continuellement. Fermé entre 2012 et 2016, l’hôtel s’est offert une cure de jeunesse, apportant des technologies modernes dans ses 142 suites et chambres.

Pour autant, ces technologies restent bien cachées derrière un décor digne des plus grands châteaux. De nombreux métiers d’art interviennent chaque jour dans l’établissement pour régler les horloges, entretenir les chambres ou restaurer le mobilier.

LIRE AUSSI : 15 châteaux accessibles sans voiture autour de Paris

Si séjourner au Ritz n’est pas à la portée de toutes les bourses, ayez cependant la curiosité d’entrer dans le hall ou dans la galerie des vitrines pour découvrir cet univers de perfection et, pourquoi pas, vous offrir une pâtisserie du chef François Perret à la boutique Le Comptoir, voire de prendre un afternoon tea dans l’un des salons pour vous glisser dans la peau de Proust, le temps d’un bel après-midi !

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Informations pratiques

Adresse :
Ritz Paris
15 place Vendôme
1er arrondissement

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Des personnes ont réagi à cet article
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Comments to: Il était une fois le Ritz ou les débuts de l’hôtellerie moderne
  • 29 septembre 2023

    très bon article sur le Ritz interessant et bien écrit de très belles photos !!! Merci

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    • 29 septembre 2023

      Merci beaucoup, ravi si cet article vous a plu ! 🙂

      Reply
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