Abîmés et noircis par la pollution et la condensation, les vitraux de la Sainte-Chapelle se sont offert en 2008 une cure de jeunesse. Le chantier de restauration de ces joyaux des XIIIe, XVe et XIXe siècles permet au public de re-découvrir l’ensemble de ces merveilles.
Le Centre des Monuments Nationaux nous a permis de visiter l’atelier VitrailFrance où ont été restaurés ces vitraux. Partons à la découverte des différentes étapes de leur restauration ! Mais d’abord, un peu d’histoire…
L’histoire de la Sainte Chapelle
À partir de 1239 Saint Louis fit l’acquisition de plusieurs reliques de la Passion du Christ, notamment la Couronne d’épines ainsi qu’un morceau de la Vraie Croix. Pour abriter ces reliques, il ordonne la construction de la Sainte-Chapelle au sein du Palais de la Cité. Édifiée en seulement sept ans, entre 1241 et 1248, la Sainte-Chapelle se distingue par son élégance mais elle n’est bien « qu’un » écrin : sa construction n’a coûté que 40 000 livres, ce qui est relativement peu comparé aux 135 000 livres que Saint Louis a dû débourser pour les reliques.
La Sainte-Chapelle permit à Saint Louis de renforcer son autorité politique et religieuse : avec l’achat des reliques, il confirme la puissance du royaume de France et la légitimité de sa filiation de droit divin.
« Tu as entrepris de construire sur tes fonds personnels une oeuvre dépassant la matière. »
Lettre du pape Innocent IV à Saint Louis, mai 1244
À partir de la Révolution, la Sainte-Chapelle est fermée au culte et privée de ses reliques. Certaines d’entre elles ont été dispersées dans des royaumes étrangers (elles servaient de cadeaux diplomatiques de prestige) ; d’autres ont été perdues ; quant à celles qui sont restées en France, elles sont aujourd’hui conservées au trésor de Notre-Dame de Paris, à la Bibliothèque Nationale, au Musée du Louvre ainsi qu’au Musée de Cluny.
La vie de la Sainte-Chapelle n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, le monument a dû affronter les affres du temps. Endommagée par des incendies en 1630 et 1776, puis à la Révolution où elle servait de lieu de stockage pour les archives du Palais de Justice, elle a failli être détruite. Finalement sauvée en 1836 grâce à la pression de l’opinion publique, elle fit l’objet d’un vaste chantier de restauration entre 1840 et 1863, qui s’est attaché à lui rendre son aspect du XIIIe siècle.
Les vitraux
Quinze verrières atteignant jusqu’à 15,35 mètres de haut composent les « parois de verre » qui rendent la Sainte-Chapelle si lumineuse. Les 1 113 panneaux qui constituent les vitraux de l’édifice sont donc à la fois l’un de ses plus grands atouts et l’une de ses plus grandes faiblesses, du fait de leur fragilité.
Conscient de l’entretien nécessaire à ces vitraux, Saint Louis a instauré dès 1248 la charge de maître verrier dont le rôle était de les créer ou de les entretenir. Après la Révolution, lorsque la Sainte-Chapelle servait de lieu de stockage pour le Palais de Justice, certaines fenêtres ont été murées et des vitraux ont été vendus sur le marché de l’art. Le chantier de restauration de 1845 a permis de remettre en état les vitraux et de reconstituer un tiers de la surface, conformément au plan initial.
Mais le XXe siècle n’a pas été tendre avec les vitraux : déposés par deux fois lors des guerres, ils ont aussi dû subir d’une part la pollution à l’extérieur et la condensation à l’intérieur, générée par la respiration des visiteurs – plus d’un million en 2013 ! Encrassés et obscurcis, les vitraux font l’objet d’une nouvelle campagne de restauration, démarrée en 2008.
> LIRE AUSSI : Fin du chantier de restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle
La restauration des vitraux
Comment sont faits les vitraux ?
Les vitraux sont constitués de quatre éléments :
– le verre
– la grisaille : des jus transparents peints sur le verre qui prennent différentes teintes à la cuisson
– le plomb qui maintient les verres ensemble
– les barres en fer forgé qui tiennent les vitraux en place
Dans le cas de vitraux de la Sainte-Chapelle, les verres du XIIIe comme du XIXe siècle sont de très bonne qualité et résistent remarquablement.
Les grisailles sont également de qualité mais la grande qualité du verre a rendu leur accroche plus difficile sur la durée. Certains éléments ont commencé à disparaître, il est donc parfois nécessaire de les repeindre.
Le réseau de plomb a été altéré par l’agression du vent, de la pluie et de l’atmosphère. N’étant pas d’origine, il a été remplacé sans remords lorsqu’il était en trop mauvais état.
Les barres de fer forgé – aussi appelées barlotières – sont quant à elles d’origine et épousent parfaitement la forme des panneaux. Elles ont été conservées.
Les étapes de la restauration
La restauration des vitraux est une opération délicate et minutieuse. La patience des restaurateurs force l’admiration : mieux vaut apprécier les puzzles pour ne pas devenir fou face aux 1 113 panneaux / 750 m² de verre !
L’opération se déroule en sept étapes :
– La dépose : les panneaux sont retirés des murs de la Sainte-Chapelle
– Le dessertissage : lorsque les plombs sont abîmés, les pièces sont desserties par un maître verrier qui examine le degré d’altération
– La lecture infrarouge des dessins : elle permet d’en suivre les contours originels
– Le nettoyage pièce par pièce : tous les verres datant du XIIIe siècle, même très abîmés, sont conservés
– Le collage : lorsque les verres sont cassés ou séparés par un plomb qui nuit à la compréhension de l’image
– La remise en plomb : pour réassembler les morceaux de verre qui ont fait l’objet d’un dessertissage
– Le remontage et la pose : la verrière est reconstituée et recouverte en face externe par une verrière de doublage qui vient la protéger. Elle est ensuite réinstallée dans la Sainte-Chapelle.
La Sainte-Chapelle dans le futur
Le lifting de la Sainte-Chapelle ne s’arrête pas à cette restauration. Face à l’engouement du public pour ce monument (le 3e le plus visité à Paris qui a accueilli plus d’un million de visiteurs en 2013), le CMN compte améliorer la billetterie pour proposer de meilleures conditions d’accueil.
À terme, l’objectif serait de réunir la Sainte-Chapelle et la Conciergerie afin de les proposer dans un seul et même parcours. A suivre…
Merci au Centre des Monuments Nationaux ainsi qu’au personnel de VitrailFrance pour cette visite. Il y a une certaine émotion à pouvoir observer les vitraux de si près et les restaurateurs de VitrailFrance sont passionnés et animés d’un grand amour pour leur métier. Une visite que nous ne sommes pas prêts d’oublier !
Des personnes ont réagi à cet article
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Bonjour,
Je précise juste que les barres en fer forgé maintenant les panneaux en place ne s’appellent pas des barbotières, mais des barlotières^^ (une barbotière est une mare pour les volailles). Merci pour ce bel article !
Bien vu, c’est corrigé ! Merci pour votre commentaire 🙂
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Le sens du beau, qui nous a presque totalement abandonnés (je pense aux \ »vitraux\ » de Soulage à Conques), est sans doute un élément constitutif de l\’âme humaine. Une société purement matérialiste ne peut créer de belles choses. L\’artiste qui a peint ce beau visage en grisaille digne de Dürer n\’a pas laissé son nom mais son âme nous parle encore.