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Près de 90 ans après sa mort, Jacqueline Marval (1866-1932) occupe les journées de la famille Roux dit Buisson. Ces collectionneurs se sont pris de passion pour cette artiste qui, après avoir connu un franc succès de son vivant et exposé ses œuvres aux quatre coins du monde, est aujourd’hui tombée dans un semi-oubli.

Pour faire redécouvrir son travail et valoriser le parcours de cette femme-artiste à la personnalité attachante et à l’histoire fascinante, le Comité Jacqueline Marval vient d’ouvrir dans le 9e arrondissement de Paris.

Qui était Jacqueline Marval ? Quel est le rôle du jeune Comité qui lui est dédié ? Camille Roux dit Buisson, sa directrice, a eu la gentillesse de répondre à mes questions…

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Rencontre avec Camille Roux dit Buisson, du Comité Jacqueline Marval 1
Camille Roux dit Buisson © Krystal Kenney

Je m’appelle Camille, je suis née et j’ai toujours vécu à Paris. Si j’ai toujours été passionnée d’art (j’ai « baigné dedans » petite), j’ai commencé mon parcours en travaillant dans la mode. J’ai travaillé dans les relations publiques et l’organisation de défilés pour des marques internationales pendant environ 3 ans. Et puis, ma première passion a pris le dessus, et j’ai rejoint mon père Raphaël Roux dit Buisson fin 2018 pour l’accompagner en tant que marchand d’art. Nous avons ouvert le Comité Jacqueline Marval (association de type 1901) en décembre 2020, bien que nous travaillions sur le projet depuis un bon moment. Le comité me tient particulièrement à cœur car j’ai toujours vécu entourée des œuvres de Jacqueline Marval; de plus, nous travaillons beaucoup en famille.

Qui était Jacqueline Marval ?

Rencontre avec Camille Roux dit Buisson, du Comité Jacqueline Marval 2

Jacqueline Marval (1866 – 1932) était une artiste moderne, très liée au fauvisme. Elle est née près de Grenoble, et a eu un début de vie plutôt classique. Elle étudiait afin de devenir institutrice, s’est mariée et a eu un enfant. Malheureusement, son fils est décédé à l’âge de six mois, et elle a appris qu’elle ne pourrait plus jamais avoir d’enfant. Ce choc a provoqué le tournant décisif de son existence. Elle a tout quitté pour s’installer à Paris.

Elle doit alors subvenir à ses besoins seule, et travaille en tant que giletière et brodeuse. Elle n’a pas beaucoup d’argent mais elle a un besoin viscéral de peindre, elle tend alors ses draps afin d’en faire des toiles.

Puis elle rencontre Flandrin, Matisse, Marquet, Manguin, etc, les élèves de l’atelier de Gustave Moreau, qui deviendront ses amis. Ils passent dès lors leur temps ensemble, travaillent ensemble (beaucoup au jardin du Luxembourg), font la fête (notamment aux bals organisés par van Dongen), voyagent ensemble. Ils partageront un peu plus tard l’adresse du 19, quai saint Michel à Paris.

Ils exposent au Salon des Indépendants de 1901 pour la première fois, c’est là qu’Ambroise Vollard acquiert toutes les toiles de Jacqueline Marval. Le célèbre marchand la représentera pendant quelques années, c’est même lui qui lui demandera de participer au tout premier Armory Show de New-York (1913). Jacqueline Marval travaillera également avec les galeristes Berthe Weill et Eugène Druet.

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Jacqueline Marval dans son appartement Quai Saint Michel, 1920

A l’époque, son succès est tel que les frères Perret lui passent commande pour décorer le Théâtre des Champs-Elysées, avec Bourdelle et Maurice Denis (entre autres). On lui demandera également de réaliser l’affiche du Salon d’Automne, la couverture du catalogue, et le carton d’invitation en 1923.

Jacqueline Marval expose aux quatre coins du monde de son vivant (du Metropolitan à New-York au musée Ohara de Kurashiki au Japon, en passant par toute l’Europe), est encensée par la critique (Guillaume Apollinaire la considère comme « l’une des plus remarquables artistes de ce temps » Le Temps, 25 février 1912) et provoque l’admiration de tous, que ce soit par son travail ou par sa forte personnalité (« Marquet et Matisse étaient tout aussi admiratifs de la personnalité de Marval que de son travail », H. Spurling, The Unknown Matisse, 1998), parfois même choquante (Fénéon restera outré de la place que prennent ses cheveux alors vermillons à l’enterrement d’Eugène Druet). Un vrai personnage.

Enfin, Jacqueline Marval était très avant-gardiste en ce qui concerne le féminisme. Ses tableaux reflètent souvent sa critique du rôle attendu des femmes par la société. Elle refuse d’exposer dans les salons exclusivement féminins, car elle considère que les femmes artistes ne devraient pas être traitées différemment des hommes. Elle demande à être retirée du « referendum des princesses » du journal Minerva car « [elle] n’accepte pas de concourir pour un titre, fût-il celui de princesse, dans ce nouvel Armorial ».

C’est sans aucun doute sa force de caractère, liée à son talent, qui l’a aidée à se faire une telle place dans l’art moderne.

Rencontre avec Camille Roux dit Buisson, du Comité Jacqueline Marval 4

Comment est né le Comité Jacqueline Marval ? Quelles sont vos missions ?

Le Comité est né de la passion de mon père, Raphaël Roux dit Buisson pour Jacqueline Marval. Admiratif de son travail, il a commencé à collectionner et à diffuser son œuvre il y a quarante ans, en créant la plus grande collection Marval existante – plus de 70 huiles sur toile, des dizaines d’œuvres sur papier, et une base d’archives unique, composée de centaines d’originaux, articles, lettres, notes et photographies.

Le Comité a pour but de faire redécouvrir le travail de Jacqueline Marval d’un point de vue contemporain. Arrivée peu avant 1900 dans un monde qui ne l’attendait pas, elle y prit une place prépondérante tout en conservant une démarche avant-gardiste.

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Comité Jacqueline Marval © DR

De l’exposition de ses œuvres à la rédaction du Catalogue Raisonné, en compilant et rendant accessibles ses archives – croisées avec celles de musées et d’institutions du monde entier (musée d’Orsay, Metropolitan Museum, universités, bibliothèques, etc), le Comité raconte l’histoire de cette grande artiste. Ayant pour but la sauvegarde, la défense et l’illustration de l’œuvre de Jacqueline Marval, nous sommes habilités à expertiser ses œuvres et à les répertorier en vue de la publication du Catalogue Raisonné.

Près du Bateau-Lavoir, de Montmartre – proche de l’ancienne Galerie Berthe Weill, où Marval, Matisse et d’autres jeunes fauvistes, ont été exposés pour la première fois en dehors des Salons – et proche de la rue Laffitte, où fut la galerie d’Ambroise Vollard, se situe le Comité Jacqueline Marval. La collection y est visible sur rendez-vous uniquement.

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Comité Jacqueline Marval © DR

Quelle est ton œuvre préférée de Jacqueline Marval ?

Il m’est très difficile de choisir une seule œuvre !  Il y a tout d’abord L’Odalisque au Guépard (1900). Elle fait partie des premières œuvres exposées par Jacqueline Marval, au Salon des Indépendants de 1901, et achetée aussitôt par Ambroise Vollard. Elle a fait partie de collections prestigieuses (Vollard, Oscar Ghez, Prince de Polignac…) et est d’autant plus forte, que si l’on regarde bien les traits de cette odalisque, c’est tout le visage de Jacqueline Marval que l’on retrouve…

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Jacqueline Marval, L’Odalisque au Guépard, 1900, ancienne collection Ambroise Vollard, Oscar Ghez, Musée du Petit Palais (Genève), collection privée, courtesy Comité Jacqueline Marval

J’aime énormément La Reine des Sioux (1923), qui est dans une collection privée aux États-Unis. Elle représente Madame Menier (des chocolats Menier) déguisée pour un bal, qu’elle donnait avec son mari dans leur hôtel particulier, près du parc Monceau. Je la trouve absolument sublime. Il y a aussi le Jardin de ma voisine (1923), une scène de Biarritz, où Marval passe beaucoup de temps dans les années 1920. Cette œuvre (qui a été exposée à Pittsburgh, Carnegie Institute (désormais le Carnegie Museum), en 1931) faisait partie de la collection Eugène Printz, décorateur français, qui lui a donné son cadre en laiton.

Et bien sûr, La Grande Plage de Biarritz (Musée d’arts de Nantes), Les Odalisques (Musée de Grenoble)…

Rencontre avec Camille Roux dit Buisson, du Comité Jacqueline Marval 10
Jacqueline Marval, La Grande Plage de Biarritz, 1900, collection musée des Beaux-Arts de Nantes

Comment peut-on faire pour venir découvrir votre collection ?

Le plus simple est de se rendre sur www.jacqueline-marval.com et de me contacter par mail. Si nous avons pour l’instant surtout ouvert aux professionnels, j’ai à cœur d’organiser des visites (par petits groupes) afin de partager l’histoire de Jacqueline Marval.

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