Culturez-vous
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Cet été, les programmes de cinéma regorgent de blockbusters spectaculaires qui laissent une impression de surenchère inutile : on ne sait que dire face à tant de monstres, de tambours et de patatras. Heureusement, au milieu de tout cela, il y a Le Beau Monde.

Sorti le mercredi 13 août, le nouveau film de Julie Lopes Curval met en scène deux jeunes acteurs, Ana Girardot et Bastien Bouillon, dans une belle histoire d’amour. Toutefois les choses ne sont pas si simples, puisque les deux amoureux ne viennent pas du même monde. Elle est une fille simple, venue d’un immeuble HLM avec une passion pour la broderie ; il a grandi dans une somptueuse maison en pierres, au milieu des livres et des arts. Le Beau Monde raconte un amour profond mais tissé d’incompréhensions… qui mènera le plus faible des deux à la souffrance.

 

 

C’est d’abord une affaire de chance : Alice est vendeuse dans une pâtisserie quand elle rencontre Agnès, une femme belle et cultivée, qui a travaillé dans la mode. Voyant que la jeune Alice fait de très jolis pulls, elle lui propose son aide pour réussir à intégrer une célèbre école de mode parisienne, Duperré. Alice réussit le concours ; elle rencontre alors le fils d’Agnès, Antoine, qui lui aussi ne cesse de lui apporter de l’aide. Malgré elle, ses premiers pas dans la vie d’adulte sont intimement liés à cette famille bourgeoise ; et pourtant, la famille ne semble pas ressentir de réelle sympathie pour la jeune fille.

Affiche Le Beau MondeAntoine, son amoureux, la dévore du regard, lui saute dessus, l’enveloppe, la mange, la met toute nue : Alice semble bien fragile face à tant d’exubérance. Et pourtant elle l’aime, fort, si fort qu’elle l’attend chaque soir avec impatience. En parallèle, son travail de brodeuse évolue : elle se heurte à des professeurs qui lui reprochent le manque d’intérêt artistique de son travail, sa simplicité, parfois même son kitsch. Tout la renvoie à son milieu d’origine et lui rappelle son manque de culture. Alors elle écoute des livres audio car elle travaille trop pour lire : mais jamais elle ne semble manquer de volonté. Son caractère est si doux que le monde entier paraît être un cactus.

Et les bourgeois, dans ce monde-là, sont les pires. Antoine blablate tout le temps à propos de la vacuité de son milieu, il critique la fascination d’Alice pour le beau monde. Mais elle n’est ni vénale ni profiteuse : elle reconnaît simplement l’aide qui lui a été donnée. Lui par contre est une véritable contradiction. Il photographie les habitants du HLM d’Alice, les fait poser dans leur environnement, vampirise leurs intentions, croyant les comprendre. Il est à la limite du harcèlement, mais il ne peut s’en rendre compte, convaincu qu’il est d’être de leur côté. Et c’est là où la réalisatrice propose une magnifique réflexion sur la photographie.

En effet, d’une manière générale, on peut être intrigué par les portraits photographiques qui capturent des personnes exotiques : venus d’un autre pays, d’une tribu inconnue, d’un autre milieu, le photographe les expose comme des bêtes curieuses. Il y a, semble-t-il, de la prétention dans certains portraits. Antoine photographie les habitants d’un HLM mais ne les invite pas au vernissage… Alice se retrouve exposée nue dans une galerie, un peu malgré elle… La photographie a volé et ne rendra jamais. Et sous les intentions gauchistes d’Antoine, il n’y a finalement peut-être que des manières.

Au contraire, le travail de broderie d’Alice est remarquable : comme Louise Bourgeois ou Annette Messager l’ont fait avant elle, elle utilise la broderie pour raconter une histoire sincère, une histoire de femme, qui semble née de son expérience et de ses découvertes culturelles. Elle parle de la femme condamnée à attendre, avec de la profondeur et de la délicatesse. Le support de la broderie est si désuet : combien de peintures impressionnistes représentent des femmes en train de broder… Comme si la femme, ainsi immobilisée, tout à son ouvrage, était devenue une sorte de nature morte pour le peintre (nous reprenons ainsi une idée de l’historienne féministe Linda Nochlin). Eh bien, il semblerait qu’Alice soit une nature morte pour Antoine : si calme, si timide, elle est bien différente de tous ses amis excentriques qui passent leur temps à se vanter de leurs voyages partout dans le monde. Elle l’apaise… Et le stimule, sans rien faire. Elle le tempère. Et pourtant, sous cette apparence presque lisse, elle brûle d’amour.

 

Julie Lopes Curval filme si bien que l’on comprend l’infinité des nuances de ses personnages, de leurs sentiments. Tout le monde est beau dans ce film… Et certaines images se perdent dans la contemplation de la nature, pour achever de faire de ce film un grand film : remarquablement bien écrit et bien filmé. Rappelant La Vie d’Adèle pour ses réflexions sur les différences de milieu social dans un couple ainsi que sur la perception de l’art et de la culture, Le Beau monde est plus profond, plus délicat. Il vous laissera un souvenir impérissable, du moins nous l’espérons…

 

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Comments to: Le beau monde, de Julie Lopes Curval
  • 19 septembre 2014

    Ce film est tout à fait le genre que j’aime. Très différent des blockbusters comme tu le dis si bien !

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