Pour les Sismo, commissaires de l’exposition Invention/design, il n’y a pas une définition du design mais des solutions techniques et fonctionnelles. Pour preuve, cette galerie de vélos qui accueille les visiteurs à l’entrée. Chacun y est invité à voter pour l’objet qu’il juge le plus « design ». Affichés en temps réels, les résultats montrent pour le moment une préférence pour Alérion, un très beau modèle en bois sculpté dont les ailes rappellent celles de Pégase. Cette fougueuse monture côtoie d’autres bicyclettes plus fonctionnelles, entièrement pliantes ou équipées de larges paniers.
L’étude de la métamorphose d’un objet au gré des évolutions technologiques est plus qu’instructive quant aux fonctions du design. Véritable cocottes connectées, les autocuiseurs d’aujourd’hui n’emploient plus le système traditionnel de fermeture à baïonnette mais ont conservé la forme emblématique de la cocotte minute, ancrée dans l’imaginaire collectif. Avec l’arrivée des Led, l’ampoule à incandescence est devenue un objet aussi vintage que le vinyle, à qui les designers ont donné une nouvelle jeunesse en jouant sur la forme du filament. C’est à eux que revient de trouver le bon équilibre entre progrès technique et nostalgie des utilisateurs.
La capacité à détourner les objets pour leur trouver de nouvelles applications ; l’usage des contraintes imposées par l’environnement comme stimulation de la créativité ; l’épuration du prototype initial pour ne garder que l’essentiel ; et la persévérance donnée par l’audace sont les qualités que partagent inventeurs et designers. Conçu pour s’enrouler comme la queue d’un scorpion, le Rolling Bridge du bassin de Paddington à Londres réunit ces 4 caractéristiques. Techniquement simple à réaliser avec les moyens actuels, ce pont est réellement novateur parce qu’il remet en cause les formes habituellement tenues pour acquises.
Nées dans un contexte culturel donné, les grandes idées sont celles qui réussissent à convaincre de leur pertinence au-delà des paradigmes. Relique d’un monde passé, le walkman a pourtant révolutionné notre façon d’écouter de la musique. Alors que la culture occidentale l’a adopté comme un moyen de s’isoler du bruit désagréable environnant, le japonais Nobutoshi Kihara, à qui on en a longtemps attribué la paternité, y voyait une façon de ne pas déranger ses voisins. Le même objet répond à deux organisations du monde, l’une qui va de l’extérieur vers soi, et l’autre qui suit le chemin inverse.
Hommage au métier de designer et à ses évolutions, l’exposition souligne les changements auxquels les professionnels ont dû s’adapter. Le sas acoustique, ambiance sonore composée de bruits d’objets du quotidien, rappelle que les designers ne travaillent plus que sur la peau de l’objet et marquent désormais l’invisible de leur griffe. Leur champ d’intervention s’est également élargi à la conception d’algorithmes ou de business plans, et s’étend au pilotage de projet. Face à des problématiques de plus en plus complexes, le designer prend l’étoffe d’un entrepreneur. Qu’adviendra t-il de lui le jour où le mouvement DIY aura pris une telle ampleur que chacun pourra désormais concevoir et produire ses propres objets à l’aide de modèles open source ? La confrontation entre les multiples étapes de production d’un sceau à glace de la maison Christofle et le même objet produit en une seule étape par une imprimante 3D n’apporte pas de réponse mais invite à reconsidérer le sens du savoir-faire.
De nombreux et passionnants projets sont à découvrir aux Arts et Métiers jusqu’au 6 mars 2016. Si vous passez la voir, n’oubliez pas de nous dire pour quel vélo vous avez voté !
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