Au coeur de Paris, à deux pas des grands boulevards, une chapelle d’un genre particulier commémore le souvenir de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Un lieu chargé d’Histoire(s) bien que souvent controversé.
Un peu d’Histoire : il est enterré par ici, on le célébrera par là
Le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné Place de la Révolution (actuelle Place de la Concorde) puis enterré au cimetière de la Madeleine. Il est rejoint en octobre de la même année par Marie-Antoinette qui subira un sort identique.
En 1814, avec la Restauration et le retour de la monarchie, Louis XVIII (frère de Louis XVI) fait rechercher les dépouilles du couple royal. Retrouvées après une année de recherche, elles sont transférées à la basilique de Saint-Denis le 21 janvier 1815.
Pour commémorer la mémoire de la famille Royale, Louis XVIII décide d’édifier une chapelle sur l’ancien cimetière de la Madeleine, à l’endroit exact où Louis XVI fut enterré. Si le parlement accepte que le bâtiment soit financé à partir des deniers publics, le Roi, en politicien avisé, choisit d’utiliser sa cassette personnelle pour ne pas raviver de tensions avec le Peuple.
La conception de la Chapelle est confiée à l’architecte Pierre-François-Léonard Fontaine, à qui l’on doit également l’Arc de triomphe du Carrousel. La première pierre est posée le 21 janvier 1815, exactement 22 ans après la mort de Louis XVI, et le bâtiment est achevé en 1826.
Visite de la Chapelle Expiatoire
Entrée de la Chapelle Expiatoire
L’entrée
Face à la Chapelle, on est frappé par son architecture… qui n’a rien de celle d’une chapelle ! Mis à part l’inscription qui explique l’utilité du bâtiment, il faut scruter la façade en détail pour trouver un élément qui vienne trahir la fonction commémorative de l’édifice, comme un sablier ailé symbolisant la fuite du temps.
C’est en pénétrant dans le vestibule que l’on comprend que la chapelle est dédiée à Louis XVI et Marie-Antoinette : leurs monogrammes sont gravés autour de guirlandes et de couronnes.
Le jardin intérieur
Cet espace sombre débouche sur le jardin intérieur. Au centre le Campo Santo, ou cimetière, est constitué de la terre de l’ancien charnier révolutionnaire : le cimetière de la Madeleine, à l’emplacement duquel la chapelle s’élève. Deux années ont été nécessaires pour tamiser la terre afin d’en retirer tous les ossements, lesquels ont ensuite été disposés dans la crypte.
Sur les côtés, des cénotaphes (fausses tombes) commémorent les gardes suisses tués le 10 août 1792 au moment de l’arrestation de Louis XVI au Palais des Tuileries. Quant aux décors constitués de têtes de pavot, de couronnes et de guirlandes, elles rappellent que les victimes de la Révolution inhumées dans le cimetière de la Madeleine appartenaient à toutes les classes de la société.
La chapelle
C’est au bout du jardin que la Chapelle se dresse. Deux statues en marbre blanc représentent Louis XVI et Marie-Antoinette. Le Roi est soutenu par un ange qui lui montre le ciel tandis que la Reine est dans les bras de la Religion. Sous les statues sont gravés les testaments du couple royal. Celui de Louis XVI est adressé au peuple, il y confie notamment le poids immense de la charge royale :
Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve.
Celui de Marie-Antoinette est dans un style très différent puisqu’il s’agit de sa dernière lettre à Madame Elisabeth, la soeur de Louis XVI dont elle était très proche.
Pensez toujours à moi ; je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants. Mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours !
En levant les yeux au-dessus de l’entrée, on découvre un bas-relief représentant le transport des dépouilles du couple royal vers la basilique Saint-Denis.
Des messes se tenaient régulièrement dans la chapelle jusqu’à ce que Jules Ferry l’interdise. Une seule messe y est toujours célébrée chaque année le 21 janvier, date anniversaire de la mort de Louis XVI.
La crypte
Dans la crypte, un autel en marbre noir marque l’endroit où le corps du roi a été retrouvé. Contrairement aux cryptes habituelles, celle-ci se situe au niveau du sol puisqu’il faut gravir trois séries de marches avant de pénétrer dans dans la Chapelle, ce qui permet à la lumière naturelle d’éclairer le tombeau.
En sortant par la sacristie on découvre un détail insolite : un placard cache un mini confessionnal.
Des galeries latérales conduisent vers le vestibule. Elles sont composées de neuf travées qui protègent des stèles murales.
Quelques anecdotes
Un mauvais présage
Louis XVI (alors Dauphin de France Louis-Auguste, duc de Berry), épouse Marie-Antoinette le 16 mai 1770, un mariage célébré par deux semaines de festivités. Au soir du 30 mai, un feu d’artifice est tiré qui provoque un gigantesque incendie. Dans la panique, 130 personnes environ meurent piétinées. Les victimes sont enterrées au cimetière de la Madeleine, là où les corps du couple royal seront déposés quelques années plus tard. Le Duc de Croÿ voyait dans cet incident un mauvais présage, se doutait-il de la fin sinistre qui attendait les jeunes mariés ?
Détruis-moi si tu peux
La Chapelle Expiatoire a été menacée de destruction une vingtaine de fois ! Très controversée en raison de son symbole monarchique elle soulève les passions et les débats politiques.
Fait amusant : en 1871, la Commune décrète sa démolition. Un prétendu citoyen américain l’achète pour la reconstruire dans son pays. Ce projet n’a jamais été exécuté, il s’agissait simplement d’une ruse pour gagner du temps et sauvegarder le bâtiment !
Classée monument historique en 1914, la Chapelle est maintenant hors de danger même si certains critiquent encore ce bâtiment dans le livre d’or.
500 guillotinés
Plus de 500 guillotinés politiques ont été enterrés au cimetière de la Madeleine sous la Révolution. Parmi eux, Antoine-François Momoro, à qui l’on attribue la paternité de la devise “Liberté, Égalité, Fratertiné” guillotiné le 24 mars 1794, ainsi que Olympe de Gouges, considérée comme l’une des pionnières du féminisme, à qui l’on doit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, guillotinée le 3 novembre 1793.
Un cimetière en pleine campagne
Au début du XIXe siècle, Paris n’était pas la ville étendue que l’on connaît aujourd’hui et les travaux haussmaniens (1852-1870) n’avaient pas encore commencés. Le cimetière de la Madeleine se situait alors à la Ville L’évêque et était entouré de champs comme en témoigne le célèbre plan de Turgot (1739).
Informations pratiques
Chapelle Expiatoire
29 rue Pasquier (Paris 8e)
Réouverture aux individuels à partir du 2 mai 2015
Sur réservation tout au long de l’année pour les groupes
Tarif plein : 5,50 € / Tarif réduit : 4 €
http://www.chapelle-expiatoire.monuments-nationaux.fr/
Merci à Rafaël qui nous a guidés dans la Chapelle Expiatoire et à Aymeric Peniguet de Stoutz pour l’accueil chaleureux.
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Voir les commentaires Hide commentsla zone villel évêque est entréé dans paris en 1722, donc le cimetière à la révolution est intra muros en 1789