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Albert Cohen écrit ici une longue et dernière lettre à sa maman, rendant hommage à celle qui a fait preuve de tant d’abnégation et d’amour à son égard. Regardant par dessus son épaule, l’écrivain revient avec tendresse et un immense sentiment de culpabilité sur les moments passés avec sa mère, regrettant d’avoir négligé celle qui lui avait consacré tant d’amour.

« J’ai été enfant, je ne le suis plus et je n’en reviens pas. »

En lisant ces pages on songe bien entendu à Romain Gary qui, dans La promesse de l’aube, évoquait le manque d’amour que l’on peut ressentir une fois que celle qui nous a mis au monde a disparu. Au-delà de cet éloge, le livre est teinté d’une réflexion sur le temps qui passe et qui nous prive peu à peu de toute chose, la terrible leçon qu’énonçait Philippe Forest dans Le chat de Schrödinger :

Il n’y a rien d’autre à apprendre de la vie, la seule leçon qu’elle vous donne est celle qui dit que vous sera ôté tout ce que vous avez aimé, il faudrait ne s’attacher à rien ni à personne, et, pourtant, le prix de la perte ne se mesure jamais qu’au prix de ce que l’on a perdu.

Haut les cœurs ! Malgré des passages parfois un peu trop emphatiques, on se laisse happer par le style de Cohen qui nous entraîne avec poésie, humanisme et douleur sur les traces de son passé et d’un amour à la fois hors normes et si commun.
La morale de ce livre : profiter de ses proches tant qu’il est encore temps, une leçon toute bête mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. A lire et à relire.

Tous les fils se fâchent et s’impatientent contre leurs mères, les fous si tôt punis.

 

Extraits :

 
Extrait 1/2

Pleurer sa mère, c’est pleurer son enfance. L’homme veut son enfance, veut la ravoir, et s’il aime davantage sa mère à mesure qu’il avance en âge, c’est parce que sa mère, c’est son enfance. J’ai été un enfant, je ne le suis plus et je n’en reviens pas. Soudain, je me rappelle notre arrivée à Marseille. J’avais cinq ans. En descendant du bateau, accroché à la jupe de Maman coiffée d’un canotier orné de cerises, je fus effrayé par les trams, ces voitures qui marchaient toutes seules. Je me rassurai en pensant qu’un cheval devait être caché dedans.

Extrait 2/2

Amour de ma mère. Jamais plus je n’aurai auprès de moi un être parfaitement bon. Mais pourquoi les hommes sont-ils méchants ? Que je suis étonné sur cette terre. Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ? Pourquoi adorent-ils se venger, dire vite du mal de vous, eux qui vont bientôt mourir, les pauvres ? Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur terre, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, ne les rendent pas bons, c’est incroyable. Et pourquoi vous répondent-ils si vite mal, d’une voix de cacatoès, si vous êtes doux avec eux, ce qui leur donne à penser que vous êtes sans importance, c’est-à-dire sans danger ? Ce qui fait que des tendres doivent faire semblant d’être méchants, pour qu’on leur fiche la paix, ou même, ce qui est tragique, pour qu’on les aime.

 
Note : Albert Cohen - Le livre de ma mère 3Albert Cohen Le livre de ma mère

Amazon
 

1954 – 175 pages – ISBN : 978-2-07-036561-6
Albert Cohen – Suisse
Editions Folio

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Comments to: Albert Cohen – Le livre de ma mère
  • 27 novembre 2018

    Je n’ai pas aimé ce livre car les passages descriptifs sont vraiment trop longs. Certains passages n’apporte pas grand interêt au livre, ils sont trop personnel voire « voyeuriste ». D’un autre côté j’ai aimé ce livre car il parle de sa mère comme dans un poème d’amour. Certains passages m’ont beaucoup touchés comme celui de la page 12 qui est poignant.

    Reply
  • 14 mai 2020

    Merci infiniment Monsieur Vitek pour ces extraits et vos belles références. Comme cela résonne en moi, moi qui aimais ma mère, passionnément. Albert Cohen est en effet si profondément humain, d’une vraie bonté de coeur. Chaque fois que je reprends la lecture de Mangeclous, je suis émue aux larmes par le regard attendri qu’il porte à ce personnage si naïf et bon comme du bon pain qu’est Salomon (« jeunesse du monde, naïveté et confiance » ou encore « petit prophète des temps bienheureux où les hommes seront tous pareils à toi ») et la nature complice qui comprit la qualité de coeur et d’âme de cet homme simple, si proche d’elle qu’elle le lui rendit bien en l’entourant avec bonheur, comme ces oiseaux « petites boules innocentes » qui s’envolaient ensuite « dans un grand froulis de soie »…

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  • […] Citation de la source: … […]

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