Arnaud Cathrine et Olivier Adam expliquaient dans leur correspondance à quel point il est difficile d’écrire un livre “imprudent et cru”, “dangereux et irresponsable”. Entendez par là un livre qui parlerait de nos pensées les plus profondes, les plus intimes, parfois aussi les plus douloureuses. J’imagine qu’il en va de même avec la musique et il me semble que Cabadzi a osé réaliser l’un de ces albums impossibles : terriblement dangereux mais pourtant si beau.
Car il faut mieux accrocher sa ceinture avant de lancer Des angles et des épines. Dès la première piste, Féroces intimes, le ton est donné : Cabadzi dresse un constat amer de notre société qui voudrait que tout le monde soit heureux.
Allez on trinque et on oublie
Que l’idée c’était de calculer
Calculer pour arriver quelque part
Trouver une paire de bras
Quelqu’un à aimer
Et que personne n’est venu chercher.
Sauf que non.
Tout le monde n’est pas heureux alors comment fait-on pour donner le change face à ce bonheur photoshopé affiché en quatre par trois dans nos rues, face aux (faux ?) sourires de nos amis qui défilent sur les réseaux sociaux ?
Pourtant, Des angles et des épines n’est pas un album totalement sombre, il porte aussi de nombreux espoirs “Je t’écris pour te dire que je rêve encore” et le refus d’un certain conformisme.
J’veux pas dormir dans une boîte
J’veux pas danser dans une boîte
J’veux pas travailler dans une boîte
J’veux pas mourir dans une boîte
Finalement, on pourrait résumer cet album avec le titre d’un livre de Jeanette Winterson, Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?
Si je parle beaucoup de littérature pour évoquer ce disque, c’est que je le trouve éminemment littéraire. Il raconte une histoire résumée par une tracklist narrative :
Les féroces intimes que l’on cache n’étouffent pas le bruit des portes. Cent fois tu tourneras te demandant pourquoi nous sommes deux femmes. Mon ami, ne t’en fais pas, c’est l’éveil qui approche quand la nuit est plus sombre. Chacun vit ainsi, avec au fond de lui un cancre utilme dont l’ombre est l’odeur des choses qu’on cache, la messe noire des désirs qu’on ressasse. Solitaire paisible dans tes douceurs et tes rires, tu n’auras qu’une seule chose à dire : d’en haut, la ville est belle en bas. Ainsi tu éviteras tous ceux qui ne pensent qu’à s’aimer vite dans le chaos d’une dérisoire détresse. Ainsi tu crieras, heureux, bonjour tristesse.
Des angles et des épines ce n’est pas seulement un texte travaillé c’est aussi une musique riche qui, d’une piste à l’autre, nous emporte dans différentes ambiances. Dans la marmite de Cabadzi il y a la mélancolie d’un Da Silva, la hargne d’un Léo Ferré, la révolte de Fauve, la lucidité d’un Florent Marchet… bref, un beau mélange original et intense.
Alors, cru et irresponsable cet album ? Oui, sans aucun doute. Le groupe le précise dans le communiqué de presse, c’est “une image de nos angles et de nos épines, de tous ces trucs qu’on ne dit pas, qu’on n’ose jamais dire, mais qui nous tiennent toute une vie”.
À noter que l’album est un très bel objet. Il est proposé en coffret CD ou Vinyle, unique et numéroté, accompagné de 22 photographies.
Superbe coffret en édition limitée pour le nouvel album tout aussi superbe de @Cabadzi_groupe ! cc @Flokovalevsky pic.twitter.com/CihNXOExbR
— Culturez-vous (@CulturezVous) 25 Septembre 2014
Je trinque, à mon tour, à leur succès car ce groupe mérite d’aller très loin, déjà dans vos oreilles ce serait bien. Vous avez déjà pu écouter Cabadzi dans nos dernières playlists mais il est temps de leur porter une oreille attentive. Tout ce que vous risquez c’est d’aller rendre visite rapidement à votre disquaire !
Pensez aussi à suivre le groupe sur Facebook et Twitter pour suivre leur actualité. En ce moment ils proposent une chasse au trésor dans Paris pour gagner quelques albums.
A lire également le billet de Je beurre ma tartine.
Pas de commentaires
Laisser un commentaire Cancel