Entre Saumur et Chinon, au cœur de la vallée de la Loire, l’Abbaye de Fontevraud est un lieu hors du temps. Fondée il y a près de mille ans, cette abbaye a connu une riche histoire. Centre spirituel majeur, nécropole royale des Plantagenêts ou encore terrifiante prison, Fontevraud est désormais un formidable lieu culturel.
Cette abbaye pas comme les autres abrite aussi un hôtel et un restaurant étoilé offrant une expérience de visite unique en France dans un monument historique.
Alors quelle est l’histoire de l’abbaye de Fontevraud et que peut-on y voir ? Tour d’horizon de ce joyau inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Article réalisé en collaboration avec l’Abbaye royale de Fontevraud
Sommaire
L’histoire de l’abbaye de Fontevraud
Une abbaye visionnaire née au Moyen Âge
Fondée en 1101 par le prédicateur itinérant Robert d’Arbrissel, l’abbaye de Fontevraud se distingue dès l’origine par son esprit novateur. Loin des normes de son époque, Robert d’Arbrissel y crée un ordre double – associant une communauté d’hommes et une communauté de femmes – placé sous l’autorité d’une abbesse, une révolution religieuse et sociale pour le Moyen Âge ! 36 abbesses se succèderont ainsi à la tête de l’abbaye.
Très vite, Fontevraud devient un centre spirituel majeur et essaime de l’Espagne à l’Angleterre où de nombreux prieurés s’établissent : à la mort de Robert d’Arbrissel en février 1116, on en compte près d’une trentaine ; à la fin du siècle, une centaine !

La nécropole des Plantagenêts : un lieu chargé de mémoire
L’abbaye n’est pas seulement un haut lieu spirituel : elle est aussi une prestigieuse nécropole royale. L’abbaye est en effet rapidement soutenue par les comtes d’Anjou et notamment par les Plantagenêts : Henri II et sa femme, Aliénor d’Aquitaine, y confient leurs deux plus jeunes enfants : Jeanne et Jean.
À la mort d’Henri II Pantagenêt, Aliénor choisit Fontevraud pour nécropole royale, à l’image de Saint-Denis pour la dynastie capétienne. Son époux, décédé à Chinon, est enterré à Fontevraud. Il sera rejoint dix ans plus tard par leur fils Richard Coeur de Lion et, cette même année, par leur fille Jeanne.

Aliénor décédée en 1204 à Poitiers, parachève cette nécropole en rejoignant pour la postérité les autres membres de sa famille. Leurs gisants polychromes, conservés dans l’abbatiale, constituent l’un des témoignages médiévaux les plus émouvants d’Europe.

Au début du XIIIe siècle, le déclin de l’abbaye coïncide avec la fin de l’Empire Plantagenêt. Fontevraud renait de ses cendres au XVIe siècle, époque au cours de laquelle on assiste à une mainmise de pouvoir royal sur l’église de France. Les abbesses ne sont désormais plus élues mais directement désignées par le roi. Cinq abbesses issues de la dynastie des Bourbon vont ainsi se succéder à Fontevraud durant près de 150 ans. Elles reconstruisent l’abbaye et font de Fontevraud un lieu spirituel et intellectuel de premier ordre.
Une transformation radicale : de l’abbaye à la prison
Avec la Révolution française, Fontevraud subit un profond bouleversement. Outre la suppression de la dîme qui prive l’abbaye d’une importante manne financière, le coup de grâce arrive lorsque les biens du clergé sont déclarés biens nationaux. Les religieux sont évacués de l’abbaye en 1792, le mobilier est vendu et l’abbaye pillée.
En 1804, un décret napoléonien reconvertit l’abbaye de Fontevraud en maison centrale de détention, une fonction qu’elle conservera pendant plus de 150 ans, jusqu’en 1963 !
De 1804 à 1814, les bâtiments conventuels sont profondément remaniés, adaptés à la vie carcérale. Paradoxalement, cette réaffectation permit de préserver les lieux des destructions massives subies sur de nombreux autres édifices religieux.
Initialement conçue pour accueillir près de 800 détenus, la centrale de Fontevraud en comptera jusqu’à 2800 provenant de 19 départements ! En raison d’une architecture peu adaptée à cette fonction, avec de nombreuses portes et fenêtres, on craint les évasions et les conditions de détentions y sont très difficiles à tel point que Fontevraud est considérée comme la centrale pénitentiaire la plus dure de France.
La renaissance de Fontevraud
En 1840, Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, classe l’abbaye de Fontevraud sur la première liste des monuments historiques. Cette reconnaissance n’équivaut pas pour autant à la mise en oeuvre immédiate de restaurations. Ce n’est qu’au début du XXe siècle, sous la direction de l’architecte Lucien Magne, que l’abbatiale et les célèbres cuisines de Fontevraud peuvent bénéficier d’une restauration complète. 1963 marque la fermeture définitive de la prison angevine. Le site est dès lors progressivement placé sous l’autorité du ministère de la culture.
En 1975, l’abbaye intègre le réseau des centres culturels de rencontres. Dès lors sa vocation culturelle et artistique s’affirme par la mise en place de concerts, d’artistes en résidences, d’expositions dédiées à la création contemporaine et au patrimoine. Cette offre est complétée depuis 2021 par la présence d’un musée d’Art moderne regroupant sur le site la collection nationale Martine et Léon Cligman.





Visiter l’abbaye de Fontevraud
En parcourant l’abbaye de Fontevraud, c’est une visite complète qui vous attend où les bâtiments historiques côtoient la création contemporaine :
L’église abbatiale
Sous les voûtes du XIIe siècle, vous y trouverez la nécropole royale des Plantagenêts regroupant les gisants d’Aliénor d’Aquitaine, ceux de son deuxième époux Henri II Plantagenêt, et de son fils préféré, Richard Cœur de Lion. L’église abbatiale accueille également la tombe de Robert d’Arbrissel, le fondateur de l’abbaye. Celui-ci avait souhaité être enterré à l’extérieur de l’église, humblement, mais l’abbesse lui a préféré le choeur, l’espace le plus sacré de l’abbaye et par extension le moins accessible au public.




Le cloître
Véritable cœur du monastère, le cloître est entièrement reconstruit au XVIe siècle, sous l’impulsion des abbesses de Bourbon. Lieu de méditation, il permet le passage en peu de temps d’un espace conventuel à l’autre.

La salle du chapitre
C’est dans cette salle que les moniales venaient discuter pour échanger autour des affaires de la communauté. Deuxième salle la plus importante après l’église, elle constitue le lieu de commandement de l’abbaye. Les moniales ont ainsi voix au chapitre pour débattre de la gestion des affaires courantes et spirituelles. Les peintures murales relatent des épisodes de la Passion du Christ aux premiers plans desquels se sont invitées les abbesses de Bourbon.

Le réfectoire
Comme son nom l’indique, c’est ici que les moniales prenaient leurs repas, dans une ambiance particulièrement austère. Les repas se faisaient en effet en silence pendant qu’une lectrice récitait des passages des Ecritures.

Le grand dortoir
Ce volume imposant accueillait jadis l’un des trois dortoirs de l’abbaye. Il accueille actuellement des expositions temporaires autour de l’histoire et du patrimoine.

L’ensemble Saint-Benoît
Ancienne infirmerie des moniales, cette architecture classique accueille actuellement une exposition dédiée aux fonctions et usages du monument, depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui. Des oeuvres contemporaines sont également visibles dans les caves et les collecteurs d’eaux.
La cuisine
Ce surprenant bâtiment flanqué de nombreuses cheminées était une cuisine entre les XIIe et XVIe siècles. Récemment restauré, il accueil des œuvres d’art contemporain.


La galerie pénitentiaire
Cette galerie supérieur surmontant les galeries du cloître permettait aux surveillants de circuler plus facilement. Aujourd’hui, une exposition permanente revient sur l’histoire carcérale de l’abbaye avec de nombreux documents d’archives et des témoignages d’anciens prisonniers et surveillants.


Le musée d’Art moderne
La fannerie – un bâtiment du XVIIIe siècle qui servait à la fois d’écurie, de grange et de grenier à grains – abrite aujourd’hui le musée d’Art moderne de Fontevraud.
Inauguré en 2021, ce musée présente une impressionnante collection léguée par le couple Martine et Léon Cligman. On y retrouve des œuvres de Degas, Delaunay, ou encore Richier.




Des expositions temporaires à découvrir chaque année
Le musée d’Art moderne de Fontevraud organise régulièrement des expositions temporaires. Au moment où j’écris cet article et jusqu’au 5 octobre 2025, le musée présente une exposition consacrée à Gaston Chaissac.
Dormir et dîner à Fontevraud : une expérience inédite
Pour vivre jusqu’au bout l’expérience Fontevraud, le mieux est encore d’y dormir. Installé dans l’ancien prieuré Saint-Lazare, Fontevraud l’Ermitage, un hôtel 4 étoiles de 54 chambres et restaurant 1 étoile Michelin, permet de séjourner dans l’abbaye dans une ambiance calme et reposante.




Passer une nuit à Fontevraud vous réserve une surprise inattendue et inédite : à la nuit tombée et tandis que les visiteurs de la journée sont partis, vous avez le privilège de pouvoir flâner dans l’abbaye, seul ! Promenez-vous dans l’abbatiale, la crypte ou encore le cloître, ouverts juste pour vous. Seul dans le silence du soir, Fontevraud vous montre un autre visage. Le lieu apparaît plus impressionnant, un peu intimidant et l’on imagine davantage la riche histoire que ses murs ont abritée.
Fontevraud sous les étoiles
Pendant l’été un parcours nocturne permet de porter un autre regard sur l’abbaye avec spectacle son et lumière.




La visite est complétée par un verre de Saumur offert chaque soir par un vigneron.
Pour les plus gourmands, l’expérience Fontevraud peut se poursuivre à table. Dans l’ancien cloître du prieuré Saint-Lazare, le chef étoilé Thibaut Ruggeri élabore une cuisine gastronomique synchronisée sur le calendrier lunaire. Dans les assiettes, on retrouve des produits locaux dont certains viennent directement du jardin de l’abbaye, ce qui vaut à ce restaurant l’étoile verte Michelin.
Bon séjour à Fontevraud !
Informations pratiques
Adresse :
Abbaye royale de Fontevraud
Place des Plantagenets
49590 Fontevraud
Horaires :
Horaires variables selon la saison, consultez le site de l’abbaye
Site officiel :
https://www.fontevraud.fr/
Tarifs :
Abbaye seule : 13€, tarif réduit 7,5€
Musée seul : 11€, tarif réduit 8€
Abbaye + musée : 19,5€, tarif réduit 13,5€
Article réalisé en collaboration avec l’Abbaye royale de Fontevraud.
Sauf mention contraire, toutes les photographies illustrant cet article sont la propriété de Culturez-vous et ne peuvent être réutilisées sans autorisation écrite.
Des personnes ont réagi à cet article
Voir les commentaires Hide commentsToujours passionnants vos articles et reportages :)!!!
On ne s’en lasse pas:)
Nous avons visité Fontevraud il y a quelques années et nous avons adoré:)!!!
J’étais votre guide de la ville de Troyes il y a quelques années 🙂
Amitiés
Sylvie