La représentation de la poétesse Komachi
Cette estampe représente la poétesse Ono no Komachi (825-900), une des « Rokkasen » c’est-à-dire les six artistes désignés comme « génies de la poésie » de l’époque Héian (795-1185). Ses poèmes traitent surtout de thèmes amoureux, voire érotiques, dans un style qui fut qualifié de complexe et de raffiné par ses contemporains.
Demeurent aujourd’hui peu d’informations sur sa vie, bien que de nombreux poèmes lui sont attribués. Par ailleurs, le récit de son extraordinaire beauté et de sa force de caractère a conduit à l’émergence, autour d’elle, d’un véritable mythe et elle fut donc souvent représentée dans le théâtre, la littérature et la peinture.
Hokusai reprend ici les codes de la plupart de ses représentations. Il la dépeint dans toute sa beauté et en partie cachée par un paravent de tissus. Ses longs cheveux pendent dans son dos. Dans la main droite, elle tient un éventail ouvert. De l’autre, elle semble jouer avec un petit chien dont la queue et une patte sont visibles sur la gauche. Les contours de son vêtement, qui évoque la période Héian, sont soulignés d’un trait épais.
Le moji-e : quand les mots se mêlent à l’estampe
Cette estampe est aussi une très belle illustration du genre du moji-e, qui consiste à représenter des personnages, animaux ou objets à partir de caractère d’écriture (moji). Initié par l’élite littéraire, le genre est popularisé à l’époque Edo (1603 – 1868). Ici, les caractères viennent se mêler à la chevelure du personnage et à son mouvement-même, comme pour se fondre en lui.
Alors, il est possible de distinguer, dans les vêtements du personnage les caractères を(o), の (no), の (no, renversé), dans l’épaule droit le caractère 小 (ko) et dans le rideau une partie de 町 (machi). L’ensemble renvoyant donc au nom de la poétesse.
Comme c’est souvent le cas dans le moji-e, le rébus renvoie au nom de la chose dans lequel il est caché. L’essence de moiji-e réside bien plus dans l’exercice, ludique, de la recherche du mot, que dans la surprise de sa signification.
Mais il y a quelque chose d’infiniment poétique que de cacher, dans la représentation de l’artiste, les signes de son nom. Hokusai mêle les mots et l’estampe, comme pour souligner les liens toujours étroits entre les deux arts, le pouvoir visuel des mots et le murmure de la gravure.
Comme pour confirmer cette intuition, un poème couronne l’ensemble. Il s’agit d’une oeuvre de Komachi, intitulé Tonan Sho, qui traite de la vanité des choses : « Iro miede / utsurô mono wa / yo no naka no / hito no kokoro no / hana ni zo arikeru » (« De teinte invisible / Qui pourtant va s’altérer / Il n’est en ce monde / Qu’une seule fleur, pour sûr, /On l’appelle Cœur-de-mortel »
Des personnes ont réagi à cet article
Voir les commentaires Hide commentsMerci pour la découverte 🙂