« Vanité des vanités, tout n’est que vanité »
Ecclesiaste, I, 2
L’intérêt des œuvres de Jeff Koons, c’est qu’il est impossible d’être déçu. Avant de se rendre à sa rétrospective, on se demande si c’est bien raisonnable d’y aller. Une fois à l’intérieur on hésite longuement à penser qu’on est pris pour un con. Après la visite, on se demande ce qu’on a vraiment vu. La petite rétrospective organisée par le Centre Pompidou, par la variété des œuvres présentées, permet de découvrir assez bien le travail de Jeff Koons. Il n’est pas aisé de rendre compte de cette exposition qui suscite bien des débats. Le plus simple est sans doute de s’y rendre soi-même pour tenter d’appréhender l’objet qui ne manquera pas de nous gonfler à bloc ou de nous laisser à plat.
Les œuvres de Jeff Koons ayant l’ambition de s’adresser à tous sans distinction, pas besoin de se préparer pour aller voir cette exposition. Aucun état de corps ou d’esprit permet de tirer une meilleure expérience esthétique. Pourtant, pourtant… Il faudrait avertir le public de l’assaut de clinquant et de mauvais goût qu’il va subir. Il faudrait l’avertir également de la légèreté avec laquelle aborder l’exposition. Sans cela, on aurait tôt fait de prendre les doctes présentations de chaque salle au sérieux. Fatale erreur que de lire dans les courts textes de Bernard Blistène autre chose qu’une tentative désespérée de justifier un goût personnel. Ce goût semble manifestement partagé par un grand nombre, vu la réussite économique de cet artiste aux allures de chef d’entreprise, qui ne connaît pas la crise. C’est ainsi étonnant de découvrir la place importante que tiennent les œuvres de commande dans l’exposition.
Il est difficile d’évoquer Jeff Koons sans penser aux prix auxquels se sont vendues ses productions. En ce sens, Koons fait littéralement de l’or avec du vent et du vide. Il a commencé avec ses Inflatables, jouet gonflables présentés en début d’exposition, pour arriver à ses différentes reproductions métalliques d’objets gonflables. Cette matérialisation de la vanité au sens premier du terme passe notamment par de saisissantes reproductions en bronze d’objets en lien avec la respiration. Ce sont ainsi un tuba et un scaphandre autonome qui prennent une allure massive, pesante et mortifère, alors même que ces objets sont destinés à permettre la vie. Koons fait de l’art avec du vide. Les premières salles accueillent d’ailleurs des aspirateurs posés sur des tubes fluorescent : du vacuum à la vacuité il n’y a qu’un pas que l’on franchit allègrement.
Le reste de la rétrospective est au même diapason et l’on évolue parmi des œuvres dont le kitsch rivalise avec la vulgarité. Jeff Koons revendique cette accessibilité primitive de ses œuvres, laissant ainsi le spectateur face à une parfaite impasse intellectuelle. « Critique de la fonction critique de l’art, Koons se trouve dans la position paradoxale d’un artiste subversif proposant une œuvre consensuelle destinée au public le plus large » écrit même le commissaire pour présenter la série « Statuary » qui reproduit des objets décoratifs en acier inoxydable, notamment le fameux Rabbit. L’acier inoxydable, matière fétiche de Jeff Koons, produit mille reflets dans les salles du Centre Pompidou. Le visiteur pourra donc s’admirer en rose, en bleu, en violet et en plein d’autres couleurs. Ce renvoi permanent à notre condition de spectateur nous pousse à interroger notre position dans l’exposition, à prendre trop de selfies, et à considérer que c’est à nous de remplir le vide des œuvres de Koons.
Informations pratiques :
Centre Georges Pompidou
Place Georges-Pompidou, (Paris 4e)
Jusqu’au 27 avril 2015
Tous les jours sauf le mardi de 11h à 21h
Nocturnes jusqu’à 23h les jeudis, vendredis et samedis
Plein tarif : 13 € / Tarif réduit : 10 €
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Voir les commentaires Hide commentsArticle jubilatoire ! Merci Gilles !