Que l’on aime ou que l’on n’aime pas Nicolas Poussin, la remarquable exposition qui lui est consacrée au Musée du Louvre jusqu’au 29 juin 2015 et conçue par Nicolas Milovanovic[1] et Mickaël Szanto[2], fait partie des incontournables rendez-vous muséaux de l’année tant son propos est inédit.
Remarquable, cette exposition l’est en effet avant tout par son sujet car aucune grande exposition consacrée à la vie et l’œuvre cet artiste ne s’était tenue en France depuis 1994, date de la dernière rétrospective organisée au Grand Palais. Et remarquable surtout car en plus d’être parvenue à réunir une centaine d’œuvres (toiles, dessins et estampes), elle analyse l’œuvre de Poussin sous un angle rarement choisi, à savoir celui du religieux. Souvent considéré comme un peintre complexe et difficile d’accès, Nicolas Poussin est pourtant l’un des peintres majeurs du XVIIe siècle français. Libertin et libertaire, c’est avec audace et modernité qu’il s’affranchi des codes artistiques et picturaux caractéristiques du Grand Siècle pour proposer une peinture classique mais révolutionnaire, osant mêler à la fois tradition sacrée, symboles laïcs et sujets antiques au cœur de ses compositions. L’exposition de musée de Louvre entend ici mettre en avant à la fois toute la singularité de l’œuvre de Poussin mais également à faire (re)découvrir sa singulière iconographie religieuse, longtemps laissée de côté au profit de celle profane.
Après une salle introductive dans laquelle on peut y admirer, entres autres, l’unique portrait de Poussin peint par l‘artiste lui-même en 1650 pour son ami Paul Fréart de Chantelou, la seconde salle nous dévoile quatre des six prestigieux retables connus de Poussin, dont La Mort de la Vierge peinte pour Notre-Dame de Paris et exposée pour la première fois et Le Miracle de saint François-Xavier. Puis, c’est par une enfilade de salles que l’on glisse progressivement de l’art monumental à l’univers des collections privées qui ont fait la renommée du peintre. Au cœur de celles-ci règne le thème marial que Poussin aime particulièrement représenter et que l’on retrouve dans ses nombreuses représentations de La Sainte Famille. De la même manière, sont exposées un peu plus loin les toiles où l’on peut y admirer la figure de Moïse et de celle du Christ, dont Moïse exposé sur les eaux ou Moïse foulant aux pieds la couronne de Pharaon provenant d’une collection particulière ou encore celles extraordinaires du Christ et la femme adultère et des Aveugles de Jéricho. L’exposition présente également la célèbre série des Sept Sacrements, commandée par Cassiano dal Pozzo, qui, avec Chantelou, fut l’un des plus important ami et mécène de Poussin. Enfin, une dernière salle est consacrée aux paysages sacrés et mystérieux. Elle permet ainsi de revoir le grand Paysage aux trois moines du Palais blanc de Belgrade, dont la dernière présentation en France remonte à 1934, le Paysage de tempête avec Pyrame et Thisbé et surtout le cycle des Quatre Saisons, considéré comme le testament artistique et spirituel de l’artiste.
Coté scénographie, les commissaires d’expositions ont, contrairement à ce que l’on peut voir habituellement dans expositions contemporaines, opté pour des cimaises colorées de tons sombres, allant du vert foncé au bleu et rouge profonds. Atypique, cette scénographie fait délibérément écho à celle du XVIIe siècle et aux cabinets verts dans lesquels étaient exposés les tableaux de Poussin. Elle confère ainsi à l’exposition une atmosphère intimiste, presque religieuse, offrant aux visiteurs un rendez-vous privé avec chacune des œuvres. Et ce n’est pas par hasard si les commissaires ont fait ce choix car selon Poussin, la lecture d’une œuvre ne doit pas être immédiate mais complexe, minutieuse et exigeante. Les clés d’un tableau ne se révèlent pour lui qu’avec le temps de l’observation et cette atmosphère intimiste provoquée par la pénombre des cimaises en donne particulièrement l’opportunité.
En somme, c’est bien plus qu’un simple hommage rendu à ce grand peintre (trop) souvent oublié et incompris, c’est une véritable rencontre intime et bouleversante avec l’artiste à laquelle le Musée du Louvre nous convie. Et si l’exposition ne prétend pas apporter de réponse définitive à un débat vieux de 350 ans relatif à la religion de Poussin, elle permet d’ouvrir de nouvelles pistes de lecture de son œuvre, encore porteuse de nombreux secrets… Décidément, Nicolas Poussin n’a pas fini de nous tourmenter…
[1] Conservateur en chef au département des Peintures au musée du Louvre
[2] Maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne
Informations pratiques :
Musée du Louvre
Jusqu’au 29 juin 2015
Tous les jours, sauf le mardi, de 9h à 17h30, les mercredis et vendredis jusqu’à 21h30.
Billet spécifique pour les exposition «Poussin et Dieu » et « La fabrique des saintes images » : 13 €
Billet jumelé (collections permanentes + expositions « Poussin et Dieu » et « La fabrique des saintes images » ) : 16 €
Gratuit pour les moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi, les adhérents des cartes Louvre jeunes, Louvre professionnels et Amis du Louvre.
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