Résumé :
New York, au début du vingt et unième siècle, les super-héros ont abandonné leurs missions et leurs super-pouvoirs pour devenir des citoyens normaux. Ils ont un travail, des activités… comme tout le monde. Pourtant le milieu va être bousculé par une série de meurtres sauvages. Après Robin, c’est au tour de son amant Batman de mourir d’une curieuse façon. Un policier va se rapprocher de Mister Fantastic et de Mystique qui ont reçu des messages d’adieu étranges pour leur apporter protection.
Le détective Dennis De Villa va mener l’enquête, tandis que son frère Bruce, journaliste, va couvrir les événements.
Avis :
La vie sexuelle des super-héros n’est pas uniquement, malgré son nom, un roman sur les pratiques sexuelles des anciens super-héros. Il est surtout un roman à la limite du polar qui nous mène sur les traces d’un tueur en série de super-héros.
Le roman se divise en cinq parties, chacune dédiée à un personnage. Le fil conducteur est l’enquête que le policier Dennis de Villa mène suite à l’assassinat de Batman.
La première partie (la plus longue) se consacre à Mister Fantastic. Red Richards, « l’Homme de caoutchouc », est aujourd’hui un scientifique réputé, consultant à la NASA, à l’agenda bien rempli. Sa vie s’organise autour de son travail, il vit seul, a peu d’amis… Et un jour, il rencontre une jeune astronaute dont il tombe fou amoureux. C’est là que tout bascule. Son amour se transforme en passion dévorante, à la limite obsessionnelle.
Nous découvrons les pratiques sexuelles surprenantes de Batman dans le deuxième chapitre. Très inquiet de son physique, Batman passe ses journées à faire de l’exercice, à s’habiller, à se regarder. Ses plaisirs coupables prennent vie dans une pratique assez trash de fist-fucking avec de jeunes prostitués (fille ou garçon, peu importe, du moment qu’ils ressemblent à Robin).
Le troisième chapitre nous présente Bruce de Villa, journaliste et frère du policier. On y apprend que les frères de Villa vouaient une passion sans bornes aux super-héros quand ils étaient petits. Bruce raconte la vie de sa famille, venue d’Italie et dévoile le terrible secret de ses parents, cause du regard si étrange de son frère.
Mystique, dans le quatrième chapitre, est devenue, après ses 16 années de prison, une animatrice de télévisons à succès. Au cours de son show, elle se transforme en Madonna, Poutine… Elle aussi, comme les autres personnages du roman, est solitaire. Elle ne partage pas
Au dernier chapitre, on rencontre LE super-héros par excellence, Super-Man. Vieux monsieur tremblant sur sa canne, il tient une petite école pour éduquer les jeunes super-héros.
Le lien entre les différents chapitres se fait par l’enquête concernant les meurtres et l’ancien médecin des super-héros. Il est difficile de résumer ce roman tant il est riche. Riche en analyses, introspections et digressions, descriptions, questions. Cela ne rend pas toujours la lecture aisée mais amène à la réflexion.
Marco Mancassola nous dresse un portrait assez triste des héros de notre enfance. A travers leur déchéance, il nous interroge sur ce que devient une société lorsqu’elle n’a plus d’icône à aduler. Il nous présente une vision très sombre de notre civilisation. D’une certaine manière, en égratignant ainsi les super-héros, l’auteur s’en prend aux États-Unis (à la société occidentale dans son ensemble en fait) et montre qu’il faut retrouver l’espoir. Dans le roman, cet espoir renaîtra peut-être avec l’école de Super Man.
Même si la lecture est un peu lourde, on ne se détache pas du roman. On veut savoir ce qu’il va arriver aux super-héros, qui leur envoie ces étranges messages d’adieu, qui se cache derrière les meurtres (car meurtres il y aura…) mais surtout pourquoi.
Si vous êtes un fan absolu de comics, ne vous lancez pas dans ce roman. Vous pourriez avoir du mal à accepter les libertés prises et les portraits, peu flatteurs, dressés de vos héros. Sauf si votre super-pouvoir est une grande ouverture d’esprit !
Extrait :
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A cette période, elle avait jeté un coup d’œil autour d’elle. Une bonne part des hommes qu’elle croisait au travail étaient des collaborateurs de Gary ou des employés de la chaîne qui affichaient le même style que lui. Des hommes élégants et trop patinés, aux voix trop sophistiquées, aux rires trop parfaits, des hommes qui aimaient les marques de brandy à cinq cent dollars la bouteille, des hommes qui appartenaient à des prestigieux clubs. Des hommes qui, à ses yeux, étaient délicats, presque inexistants, telles des feuilles adhésives à jamais collées au mode de vie qui les supportait. Mystique n’avait aucune envie de coucher avec un mode de vie. Elle voulait coucher avec un individu. C’était déjà assez agaçant de rencontrer ces hommes pour des raisons professionnelles. Elle travaillait pour eux, d’accord, mais elle n’en était pas arrivée au point de les trouver attirants sur le plan intime.
Il y avait d’autres types d’hommes, des hommes créatifs, des écrivains, des réalisateurs, des hommes de spectacle et des amis d’hommes de spectacle. Des hommes qui lui envoyaient des fleurs pendant des semaines, en compagnie desquels elle acceptait de sortir une ou deux fois et avec qui elle s’ennuyait, des hommes débordants d’ambitions frustrées ou dotés d’un ego écrasant, des hommes obsédés par eux-même qui, dès la première tentative de rapport sexuel, finissaient tous par exprimer la plus prévisible des requêtes. Des hommes nus qui l’imploraient en gémissant, en transpirant et en mordant les draps d’impatience, afin qu’elle prît leur apparence. Change-toi en moi. Pitié. Je veux baiser avec moi-même.
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Note :
2012 – 608 pages – ISBN : 978-2-07-044791-6
Marco Mancassola – Italien
Editions Folio
Illustration : Grégoire Guillemin
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