Cette statuette du Musée National des Arts Asiatiques – Guimet (MNAAG) fait partie d’un ensemble de statuettes funéraires chinoises en terre cuite ou « ming qi » (littéralement objet brillant), mesurant entre 30 et 35 cm de haut, et représentant des joueuses de polo en pleine action. Elles datent du VIIIème siècle de notre ère.
Un ensemble d’un grand réalisme
De statures délicates, les joueuses de polo chevauchent de puissants coursiers lancés en plein galop. Certaines se penchent sur leur cheval, et bien que ces éléments aient aujourd’hui disparu, on devine qu’elles tenaient un maillet d’une main pour cueillir la balle, tandis qu’elles maintenaient les rênes de l’autre. L’ensemble est d’une grande expressivité et d’un grand réalisme : aucune joueuse n’a tout à fait la même position, ni tout à fait la même coiffure, et la polychromie très bien conservée permet de les distinguer également par la robe de leurs montures et la couleur de leurs habits. Le galop des chevaux, appelé « galop volant » car leurs jambes avants et arrières sont tendues comme s’ils volaient au-dessus du sol, contribue également à donner un grand dynamisme à l’ensemble (bien qu’il soit physiquement impossible). On distingue jusqu’au détail de leur musculature tendue et de leur bouche ouverte sous l’effort. Cette expressivité, ce dynamisme, et ce réalisme sont caractéristiques des ming qi de l’âge d’or de la Chine médiévale, sous la dynastie Tang (618-907 de notre ère).
Le rôle des ming qi
L’habitude s’était alors largement répandue de placer des personnages de ce type dans les tombes aristocratiques en lieu et place des sacrifices humains exécutés dans l’antiquité (raison pour laquelle on les appelle parfois « substituts funéraires »). Reflets du monde des vivants, les ming qi accompagnent le défunt dans sa dernière demeure afin de le servir dans la mort mais aussi de dissuader son âme de s’aventurer hors du tombeau.
Des femmes jouant au polo: une scène étonnante
De véritables scènes de la vie à cette époque nous ont ainsi été transmises par-delà les siècles. Celle qui nous est proposée ici est étonnante : des femmes portant une tunique et un pantalon, et jouant au polo, habits et activité considérés généralement comme virils dans un empire qui sera plus tard connu pour sa longue tradition des pieds bandés. Pourtant le doute n’est pas permis quant au genre des joueuses : leurs statures délicates, leurs coiffures (chignons simples et doubles), et la finesse de leurs visages aux yeux délicatement esquissés et aux joues fardées de rouge empêchent toute confusion avec des personnages masculins. Pour comprendre cette scène, il faut savoir qu’une liberté nouvelle avait été accordée aux femmes durant la première moitié du règne de la dynastie Tang. Cette liberté peut s’expliquer par le contexte politique et social de l’époque : afin de préserver la paix aux frontières, de nombreux membres de l’aristocratie avaient dû se marier avec des femmes des peuples nomades entourant la Chine. On avait sous leur influence adopté certaines des coutumes nomades, or la vie dans la steppe ne permettait pas aux femmes de rester oisives : elles faisaient leur part de travail au même titre que les hommes, et étaient donc plus émancipées.
L’art des Tang voit donc un changement important dans la représentation de la féminité, menant à la création d’œuvres telles que ces joueuses de polo, dans lesquelles on retrouve toute l’expressivité artistique et la richesse culturelle de cet âge d’or.
Voici le lien vers le site du musée, pour plus d’informations sur les collections.
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Voir les commentaires Hide commentsJ’admire toujours ces cavalières à chaque fois que j’y passe mais maintenant, je poserai un regard neuf sur elles !