Fondée en 1878, la cristallerie Daum de Nancy est aujourd’hui encore une manufacture reconnue pour son savoir-faire. Elle doit sa renommée au maître-verrier Antonin Daum qui par sa créativité et son sens du marketing parviendra à hisser une affaire au bord de la faillite au rang de grande marque de luxe. Retour sur cette saga familiale.
Sommaire
Daum, une histoire de famille
Dans les années 1870, à la suite de la guerre franco-allemande, l’Alsace-Lorraine est annexée par l’Empire Allemand. Le traité de Francfort permet cependant aux français qui le souhaitent de conserver la nationalité française s’ils quittent la région. C’est dans ce contexte que plusieurs dizaines de milliers de français choisissent d’immigrer notamment vers Nancy qui grâce à un fort afflux de main d’oeuvre, de capitaux et d’idées devient l’un des principaux épicentres de l’art nouveau.
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Jean Daum (1825-1885), notaire dans la ville de Bitche, fait partie de ces immigrés : il vend son étude et s’installe à Nancy en 1876. Il finance la verrerie Sainte-Catherine mais l’entreprise est en difficultés si bien qu’en 1878 il décide de la racheter pour la sauver de la faillite. Le voici devenu directeur sans pourtant rien connaître de l’art verrier.
A sa mort en 1885, c’est son fils Auguste qui reprend les rennes de l’entreprise. Il est rejoint deux ans plus tard par son frère Antonin fraîchement sorti de l’Ecole centrale des arts et manufactures de Paris.
Antonin Daum et l’orientation artistique
Les deux frères trouvent vite leur organisation : à Auguste la gestion de l’entreprise ; à Antonin la partie création. Antonin Daum met ainsi en place un département artistique et développe en une vingtaine d’années un catalogue de près de trois mille références ayant recours à des techniques de plus en plus élaborées.
La consécration arrive en 1893 avec le recrutement de Jacques Grüber, le premier artiste de l’entreprise Daum qui conçoit plusieurs pièces pour l’exposition universelle de Chicago. Le succès est au rendez-vous et les distinctions ne cesseront de pleuvoir dans les années suivantes, plaçant Daum comme une entreprise de référence dans l’industrie de l’art verrier. Désormais pleinement lancés dans cette activité artistique, les Daum créent leur propre école de dessin qui forme les futurs talents de l’entreprise.
A la mort d’Auguste Daum en 1909, Antonin partage les responsabilités de l’entreprise florissante avec les trois fils d’Auguste : Jean, Henri et Paul jusqu’à sa mort en 1930.
Daum et le marketing
Les enfants Daum vont continuer à développer et à moderniser la société. Dans les années 20 ils réorientent la collection vers le nouveau style à la mode : l’art décoratif. Après la seconde guerre mondiale, face à la pénurie de pigments ils développent des pièces transparentes aussi utilitaires que décoratives comme des verres ou des coupes.
Dans les années 1960, Jacques, le petit-fils d’Auguste, comprend l’intérêt du marketing et de la communication. Pour développer l’entreprise il s’associe à de grands artistes contemporains tels que César ou Salvador Dali. Ces collaborations permettent de moderniser l’art verrier tout en le faisant connaître au plus grand nombre.
La pâte de cristal Daum
Au début des années 1900, Almaric Walter développe la pâte de verre en reprenant une technique disparue. En 1968, la méthode un temps mise au placard est à nouveau remise au goût du jour en la faisant évoluer vers la pâte de cristal Daum. Il s’agit d’un mélange de grossils (morceaux de cristal) moulée à froid et vitrifiée par cuisson.
Cette méthode fait appel à la technique complexe de la cire perdue qui justifie les prix élevés de certaines des pièces Daum. Il faut dans un premier temps sculpter un modèle de la forme de l’oeuvre puis en faire un moule en élastomère. Le moule est rempli de cire chaude qui prend la forme de l’oeuvre, on crée autour de l’oeuvre en cire un moule négatif en plâtre que l’on viendra remplir de pâte de verre. Le maître verrier a alors recours à plusieurs grossils de couleurs différentes pour donner à l’oeuvre sa teinte finale, une technique qui fait que chaque oeuvre est différente puisque l’on ne pourra jamais obtenir des teintes identiques. Le moule est chauffé à 900° pendant une durée de 10 à 20 jours puis on casse le moule en plâtre pour récupérer l’oeuvre en verre.
Cette technique est encore utilisée de nos jours mais sa complexité fait de Daum le seul cristallier au monde à la maîtriser réellement.
Daum aujourd’hui
En 1985 la société est vendue et quitte la famille Daum. Elle est aujourd’hui détenue par le financier Prosper Amouyal via la holding Financière Saint-Germain.
La renommée des pièces Daum continue de grandir, elles sont aujourd’hui considérées comme de vraies œuvres d’art, plusieurs sont d’ailleurs exposées dans des musées et notamment aux Beaux-Arts de Nancy.
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