Résumé :
Milan Kundera revient sur l’œuvre de Diderot « Jacques le fataliste et son maître » pour en proposer une variation. Comme il le précise, il ne s’agit pas d’une adaptation mais d’une forme propre à Kundera de l’une de ses œuvres préférées. Le texte est précédé d’une introduction, dans laquelle Kundera revient sur la raison de cette variation.
Cette pièce retrace une discussion entre Jacques et son Maître où Jacques raconte une de ses histoires d’amour pour combler l’ennui qui les entoure. Cette discussion est souvent interrompue par différentes petites histoires obligeant Jacques à raconter par intermittence.
Avis :
Je dois vous prévenir, je n’ai pas lu « Jacques le fataliste et son maître » de Diderot alors je ne pourrai pas faire de comparaison entre les deux œuvres. C’est plutôt parce que j’apprécie ce que fait Kundera que j’ai voulu lire cette pièce et encore une fois j’ai apprécié. L’histoire est je pense plus accessible que celle de Diderot car plus courte et je suppose dans un style plus contemporain. C’est souvent drôle, Kundera n’hésite pas à mettre en scène le lecteur (voir l’extrait ci-dessous) voire lui-même (les personnages évoquent à plusieurs moments celui qui écrit leur histoire). L’introduction est aussi très intéressante, Kundera revient sur son attachement à cette pièce tout en évoquant son passé en Tchécoslovaquie et ne se passant pas – pour notre plus grand plaisir – d’une nouvelle réflexion « psychologique » cette fois sur la sensibilité. Si vous aimez Kundera alors vous ne devriez pas être déçu, si vous ne connaissez pas encore, commencez plutôt par « L’insoutenable légèreté de l’être ».
Extrait :
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LE MAÎTRE : Mais dis-moi, où sont nos chevaux ?
JACQUES : Laissez vos questions stupides, Monsieur.
LE MAÎTRE : Un tel non-sens ! Comme si un gentilhomme français parcourait la France à pied ! Est-ce que tu connais celui qui s’est permis de nous réécrire ?
JACQUES : Un imbécile, Monsieur. Mais maintenant que nous sommes réécrits, on n’y peut plus rien.
LE MAÎTRE : Que périssent tous ceux qui se permettent de réécrire ce qui a été écrit ! Qu’ils soient empalés et brûlés à petit feu ! Qu’ils soient châtrés et qu’on leur coupe les oreilles ! J’ai mal aux pieds.
JACQUES : Monsieur, ceux qui réécrivent ne sont jamais brûlés et tout le monde les croit.
LE MAÎTRE : Tu penses que l’on croira celui qui a réécrit notre histoire ? Que l’on ne va pas regarder dans le « texte » pour voir qui nous sommes vraiment ?
JACQUES : Monsieur, on a réécrit bien d’autres choses que notre histoire. Tout ce qui est jamais advenu en ce bas monde a déjà été réécrit des centaines de fois et personne n’a jamais songé à vérifier ce qui s’était passé en réalité. L’histoire des hommes a été réécrite si souvent que les gens ne savent plus qui ils sont.
LE MAÎTRE : Tu m’effraies. Alors ces gens-là (montrant le public) vont croire que nous n’avions même pas de chevaux et que nous avons dû parcourir notre histoire comme des va-nu-pieds ?
JACQUES, montrant le public : Ceux-là ? On peut leur faire croire n’importe quoi !
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Note :
1998 – 138 pages – ISBN : 978-2-07-040583-1
Milan Kundera – Français d’origine Tchèque
Article initialement publié sur le blog Art Souilleurs
Des personnes ont réagi à cet article
Voir les commentaires Hide commentsJe n’a pas lu Jacques et son maître hommage à Denis Diderot en trois actes, en revanche je conseillerai pour les futurs nouveaux lecteurs de Kundera de commencer par L’Identité.
C’est un livre court qui tient le lecteur en haleine juqu’au bout. Vous êtes à la fin de l’oeuvre comme frustré… vous vous rendez compte que vous avez été impitoyablement manipulé.
Sensations…
A lire au second degré!
Je n’ai pas lu Jacques et son maître, en revanche, j’ai lu L’Identité, et L’Immortalité, et c’est assez incroyable, si tu as l’occasion Antoine, lis-le.
Moi je ne conseille de lire que le Kundera d’avant 1993. Après c’est un homme plein de fiel qui s’exprime. D’ailleurs Fritz pense comme moi.