Faire revivre un lieu de création et d’émulation intellectuelle du passé est toujours un exercice périlleux. En effet, qui peut saisir, des siècles plus tard, la vivacité des esprits les plus brillants d’une époque ? Pourtant c’est le petit miracle qui s’opère à Nohant.
Particulièrement en ce moment, grâce à un projet commun au Domaine de George Sand et au château de Versailles, qui a prêté des oeuvres de ses collections. Ainsi l’exposition actuelle regroupant à Nohant les illustres fréquentations de sa célèbre propriétaire résulte d’une volonté de Versailles et du Centre des monuments nationaux, -auquel est rattaché le domaine -, de faire connaître à un large public la richesse de leurs fonds. En effet, un grand nombre de portraits du XIXe siècle du Versailles voulu par Louis-Philippe restent en réserve. C’est donc dans le lieu de vie partagée d’une des plus célèbres d’entre eux que des écrivains comme Flaubert, ou les Dumas père et fils peuvent prendre place. Jusqu’au 26 octobre, vous pouvez venir admirer leurs portraits. « Le Salon de George Sand » pour l’occasion recréé sous ce titre d’exposition, ne saura vous laisser indifférents aux charmes du domaine. Quelque chose de l’air du temps… Et flottent encore la vivacité des conversations, la voix de Delacroix, acerbe peut-être, pleine de superbe certainement, commentant ses contemporains, la musique de Chopin, les bons mots de Gustave Flaubert échangés avec la maîtresse de céans.
Sauvegardé grâce à Aurore Sand, petite-fille de George Sand le lieu garde intact son décor et son mobilier. Il comporte un cabinet d’étude et une bibliothèque, particulièrement révélateurs de la curiosité intellectuelle et des intérêts foisonnants des occupants : géologie, entomologie, botanique… Si seules quelques figures ont le bonheur de prendre place dans la pièce qui leur est réservée pour cette recréation du « salon » de l’écrivain, l’occasion est à saisir, de se plonger dans l’atmosphère de ce cercle qui comptait les personnalités les plus en vues du monde culturel de l’époque. Du temps où Paris était la capitale artistique du monde occidental, cet espace que Sand a su faire vivre dit la puissance d’attraction d’une telle personnalité, qui offrait, à la place des mondanités, la liberté, et le confort des soirées tièdes en même temps, protectrice et « pélicane » comme disait Chopin, – qui fut son amour de neuf ans. Heureux prétexte, découverte à ne pas manquer, week-end d’été à programmer, cette présentation, soignée, modeste mais fidèle à l’esprit du lieu sonne comme une vacance. Nohant, outre ses charmes propres, saura vous transmettre le frisson du temps passer à rêver. Du temps où l’imagination libérée, libérée des obligations parisiennes aussi, l’imagination des élus de l’Art… battait la campagne.
La vie secondaire, ré-créative, de ces artistes, semble préservée ici à Nohant. C’est le cas notamment avec l’atelier du fils, Maurice Sand, plein de clarté, et détenteur secret des passions géologiques partagées. Le théâtre de marionnettes que ce même Maurice a fait exister pendant des années durant les longues soirées d’hiver au domaine témoigne de la vie artistique des habitants. Cette pratique de création vivante, outre le fait qu’elle égayait leurs soirées, permettait par exemple à George Sand, -qui faisait appel aussi à des comédiens parisiens professionnels-, d’entendre jouer ses textes, avant de les présenter à la capitale. Ainsi, elle écoutait les mots, vivants, tomber, et les reprenait, méticuleuse, changeait des tournures afin qu’elles sonnent mieux. Elle pouvait en outre penser dans le même mouvement la mise en scène, et donner ses indications, les préciser avant de voir ses textes joués. Les liens des marionnettes de Maurice avec le théâtre populaire de l’époque et la renaissance contemporaine des pratiques de foire sont merveilleusement présentés à l’étage, au-dessus de la librairie, de façon très pédagogiques. Les habits des poupées, leur « castellet » (décor et cadre des Guignol et autres mini-théâtres de rue), et les poupées elles-mêmes, de par leur variété constitue un véritable trésor, qui référence ce théâtre méprisé du XIXe siècle. Justice lui est faite : il est aujourd’hui exposé à la maison d’une des « Illustres » de France, l’écrivaine la plus influente et la plus admirée de son époque, même si elle aussi, femme et pratiquant un réalisme populaire dans sa littérature, fut décriée.
Aujourd’hui encore, le château de Nohant-Vic reste le lieu privilégié de pratiques artistiques vivantes, ainsi vous pourrez y voir jouer des pièces de théâtre, particulièrement celles mettant en scène des « paroles de femmes » (ainsi s’intitule un cycle dédié, initié par le Centre des monuments nationaux).
Le « Nohant Festival Chopin », qui se déroule jusqu’au 23 juillet, contribue également à faire vivre le domaine. Cette année, les pianos s’accordent sur le thème de L’Italie de Chopin et George Sand, l’Italie, terre d’inspiration et terre romanesque pour les deux artistes. Le voyage est donc au-rendez-vous pour la saison estivale.
Bordé de l’ « Allée du Romantisme » et du « Sentier de la Petite Fadette », le domaine de Nohant, verdoyant, vous offrira une jolie promenade, surtout par beau temps. Le jardin aromatique et les fleurs butinées d’abeilles vous rappelleront combien la vie devait être douce, ici, lorsque les doigts des pianistes heureux touchaient le ciel, à la recherche de paysages à dessiner. (On le sait moins, mais George Sand était elle aussi une interprète reconnue pour son talent ; elle peignait également et aujourd’hui ses aquarelles ou « dendrites » sont très recherchées des amateurs.) Si vous souhaitez vous aventurez un peu plus loin, l’église de Vic contient des peintures murales, vestiges de l’art roman, qui méritent le détour.
Pèlerinage obligé, le détour par le petit cimetière attenant où est inhumée la femme la plus reconnue du siècle le plus misogyne vous réconciliera avec l’idée que la mort peut être autre chose qu’un repos bien mérité ; en effet, George Sand passa ses nuits de Nohant à écrire. Les pièces, la correspondance, les nombreux romans de cette autrice prolifique sont à re-lire, ainsi que sa formidable, Histoire de ma vie, une mine d’informations sur l’effervescence de cette fameuse « vie » tournée vers les autres. Généreuse, cette femme aura su accueillir en son domaine de Nohant nombre d’hommes brillants, des femmes aussi, comme Juliette Adam, essayiste. On en conviendra, le projet du « Salon de George Sand » rend un bien bel hommage à l’un des écrivains les plus influents de son époque.
Informations pratiques :
Domaine de George Sand
36400 Nohant-Vic
Ouvert tous les jours
Avril et septembre : 10h-12h30 et 14h-18h
2 mai au 30 juin : 9h30-12h et 14h-18h30
Juillet et août : 9h30 à 13h et 14h à 18h30
Octobre à mars : 10h-12h30 et 14h-17h
Tarif réduit : 4,50 € / Tarif plein : 7,50 €
Gratuit pour les moins de 26 ans ressortissants de l’Union Européenne, les demandeurs d’emploi et les personnes handicapées
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