Et si certaines œuvres d’art, bien avant l’essor de la médecine moderne, conservaient malgré elles les signes visibles de maladies ? C’est précisément le postulat de l’iconodiagnostic : une démarche à la croisée de la médecine et de l’histoire de l’art qui consiste à identifier des signes pathologiques dans les représentations humaines issues des arts visuels – peinture, sculpture, mosaïque, manuscrit enluminé, etc.
Pratiqué par des médecins, historiens de l’art ou chercheurs curieux, l’iconodiagnostic repose sur l’observation minutieuse de détails corporels et physiologiques représentés dans une œuvre. Cette approche permet d’émettre des hypothèses diagnostiques rétrospectives sur des personnages historiques, religieux ou fictifs.
Qu’est-ce que l’iconodiagnostic ?
L’iconodiagnostic (du grec eikon = image, et diagnosis = discernement) est une démarche intellectuelle qui consiste à interpréter les signes pathologiques visibles dans une œuvre d’art représentant un être humain, dans le but de poser un diagnostic médical plausible.
Cette approche repose sur plusieurs éléments :
- Une analyse visuelle rigoureuse : proportions, posture, teintes de la peau, anomalies morphologiques, etc.
- Une connaissance approfondie des maladies anciennes et modernes, et de leurs manifestations visibles.
- Une prise en compte du contexte artistique et symbolique, pour distinguer ce qui est voulu par l’artiste de ce qui pourrait être réaliste ou involontaire.
Il s’agit donc d’un diagnostic hypothétique, mais souvent étonnamment crédible, qui alimente aussi bien les débats scientifiques que la curiosité du grand public.
Exemples célèbres d’iconodiagnostics dans l’histoire de l’art
Un cancer du sein dans une peinture de Raphaël
L’exemple d’iconodiagnostic le plus célèbre se cache dans La Fornarina, un tableau peint vers 1518-1519, attribué à Raphaël. L’artiste y a représenté Margherita Luti, sa probable amante.
Le pincement sous son sein gauche ainsi que sa pigmentation légèrement bleutée accompagnée de l’oedème visible sur son bras gauche seraient les signes d’un cancer du sein évolué.

Un rhinophyma dans une toile de Domenico Ghirlandaio
Un exemple plus flagrant est le tableau « Portrait d’un vieillard et d’un jeune garçon » de l’artiste italien Domenico Ghirlandaio. Le vieillard a le nez déformé par le rhinophyma, une maladie qui crée un nez large et bulbeux.

Attention aux erreurs d’interprétation !
Souvent, des interprétations douteuses prêtent à des œuvres des maladies qui n’en sont pas ! Ainsi on a parfois prétendu que la Joconde était atteinte d’une maladie du foie, lui donnant une teinte jaunâtre. En réalité il n’en est rien, il s’agit simplement du vernis qui a jauni au fil du temps. Il faut aussi se métier du style de l’artiste qui peut déformer les corps dans un simple but artistique et sans raison médicale
Quelle valeur scientifique accorder à l’iconodiagnostic ?
Il est important de souligner que l’iconodiagnostic n’est pas une preuve formelle, mais une interprétation. Les artistes pouvaient idéaliser, styliser, ou déformer volontairement les traits pour des raisons symboliques, esthétiques ou religieuses. Une bonne analyse repose donc sur un travail conjoint entre un médecin et un historien de l’art.
L’iconodiagnostic a aussi une valeur pédagogique : il permet d’illustrer des pathologies par des exemples visuels, de sensibiliser le grand public à la diversité des représentations corporelles, et de connecter médecine et culture.
Voir autrement les œuvres d’art
En posant un regard médical sur l’art, l’iconodiagnostic transforme notre façon de lire les œuvres. Ce qui semblait être un détail stylistique peut devenir un indice clinique précieux. Une approche originale où l’image devient mémoire médicale.
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