A Bourges, le Palais Jacques Cœur est un hôtel particulier du XVe siècle qui a marqué un tournant dans l’histoire de l’architecture. Construit par le riche marchand Jacques Coeur, il ne sera pourtant jamais habité par son propriétaire, tombé en disgrâce quelques années avant la fin des travaux.
Visiter le Palais Jacques Cœur c’est aller à la rencontre de cet illustre personnage, argentier du roi Charles VII à la vie aussi passionnante que rocambolesque. C’est aussi voyager dans le temps en découvrant une riche demeure du Moyen Âge…
Sommaire
Jacques Cœur : d’une réussite éclatante à la disgrâce
Une ascension sociale fulgurante
Jacques Cœur naît à Bourges à la fin du XIVe siècle, fils d’un marchand de fourrure il est initié très jeune au commerce et aux affaires. Très doué, il se dirige rapidement vers le commerce international et crée un vaste réseau marchand : il devient propriétaire d’une flotte d’une douzaine de navires qui sillonnent la méditerranée et qui lui offrent une fulgurante ascension sociale.
Au début du XVe siècle, le Royaume de France traverse une période difficile : suite à la défaite d’Azincourt, une grande partie du Royaume est pris par les Anglais ce qui pousse le Dauphin, futur Charles VII, à quitter Paris pour se réfugier dans le Berry et notamment à Bourges ce qui contribuera à développer le commerce local.
Vers 1420, Jacques Cœur se marie avec Macée de Léodepart, petite-fille d’un maître des monnaies de Bourges qui lui permet d’être introduit dans la cour de Charles VII. Il se voit alors confier plusieurs postes d’importance jusqu’à être nommé argentier du Royaume, c’est-à-dire qu’il avait en charge la gestion des finances du roi. Grâce à sa nouvelle fonction, Jacques Cœur lève de nouveaux impôts et donne à Charles VII les moyens de délivrer la France du joug anglais.
Fin économiste, Jacques Cœur s’appuie sur les statistiques pour établir l’impôt, évaluer et mieux gérer les ressources du Royaume si bien qu’en 1441 Charles VII lui accorde des lettres d’anoblissement en guise de récompense. Devenu noble, Jacques Cœur prend pour emblème la coquille saint Jacques et le Cœur, avec la devise “A vaillans cuers riens impossible” soit “A cœur vaillant rien n’est impossible”. Les années qui suivent sont fastueuses : Jacques Cœur a la confiance du roi, se voit confier de nombreuses missions et continue de s’enrichir si bien qu’en 1447 lorsque le roi décide de reconquérir la Normandie, Jacques Cœur lui apporte une aide financière conséquente.
L’arrestation et la disgrâce
Jacques Cœur est aussi un proche d’Agnès Sorel, la favorite du roi qui achète chez lui de nombreuses étoffes. Cette amitié favorise le commerce de Jacques Cœur mais le protège aussi en lui donnant une place toute particulière dans la Cour. Quand elle meurt en 1450 (peut-être d’un empoisonnement) Jacques Cœur qui était désigné comme son exécuteur testamentaire est accusé du meurtre. Bien que disculpé, il est pourtant très jalousé : sa grande fortune lui attire beaucoup d’ennemis dont ses nombreux débiteurs. Accusé de malversations et désormais privé de la protection d’Agnès Sorel, il est arrêté en 1451 pour crime de lèse-majesté.
Son arrestation fait le bonheur de ses nombreux débiteurs qui voient ainsi leurs dettes effacées et nombreux sont ceux qui cherchent à le rendre coupable. Le procès est clairement à charge : on éloigne les témoins qui lui sont favorable et on le prive des moyens de prouver ses actes. Reconnu coupable de concussion (d’avoir fait des profits illicites en exerçant ses fonctions) ses biens sont saisis et il est condamné à mort, une condamnation transformée en bannissement perpétuel pour services rendus à la couronne.
Emprisonné jusqu’au paiement d’une amende, il parvient à s’évader en 1454 et rejoint le pape Nicolas V à Rome qui l’a pris en amitié depuis leur rencontre en 1447 lors d’un voyage diplomatique. Jacques Cœur prépare alors une expédition pour le Pape sur l’île de Chios menacée par les Ottomans pendant laquelle il meurt en 1456.
Visite du Palais Jacques Cœur
Après avoir été anobli, Jacques Cœur se fait construire une demeure à la hauteur de son nouveau rang, une demeure qu’il souhaite selon ses propres termes « belle, grande et magnifique ». A l’époque on ne parle pas encore d’un palais mais plutôt d’une “grant’maison” constituée de 8 escaliers et 43 salles sur 4 000 m². Les travaux commencent en 1443 et s’achèvent vers 1454 si bien que Jacques Cœur, arrêté en 1451, ne pourra pas en profiter.
Pour autant, l’empreinte de son propriétaire est visible partout. Sur la façade, Jacques Cœur s’est fait représenté avec sa femme. On suppose qu’à l’origine, tous deux étaient tournés vers la corniche qui devait abriter une sculpture de Charles VII pour montrer qu’ils étaient proches du Roi. Après l’épisode de la disgrâce, la statue du roi a disparu et les portraits du couple ont été échangées pour tourner le dos au roi. Sur de nombreux murs on peut également voir des cœurs, des coquilles saint Jacques ainsi que la devise “A vaillans cuers riens impossible”, symboles du maître des lieux.
Cette vaste demeure fait l’admiration de ses contemporains. Elle s’appuie sur le modèle du château du duc Jean de Berry de Mehun-sur-Yèvre mais derrière les fortifications de façade elle intègre beaucoup de confort. Elle marque ainsi un tournant dans l’histoire de l’architecture reprenant les caractéristiques d’un château médiéval avec un logis et un châtelet d’entrée complétés de galeries pour relier les deux et d’une basse cour en contrebas. Pour autant elle est percée de nombreuses fenêtres laissant entrer beaucoup de lumière ce qui était peu commun pour l’époque.
A l’intérieur les signes de richesse et de confort de manquent pas : dans la salle des festins qui servait de salle de réception, une loge permettait d’accueillir des musiciens. Juste à côté, la cuisine est équipée de placards à épices et aliments, elle communiquait avec une cave à vin et avec la salle des festins par l’intermédiaire d’un passe-plat. La grandeur de la maison faisait qu’il fallait 120 personnes pour s’occuper des lieux !
Contrairement à ce que l’on pense souvent, l’hygiène était très importante au Moyen Âge. Jacques Cœur avait ainsi fait construire un puits privé qui lui permettait d’avoir accès à l’eau ; des latrines de 17 mètres de profondeur, ainsi que des étuves dont l’esprit remonte à l’époque romaine. Chauffées par le sol via un four situé en-dessous, ces étuves fonctionnaient comme un hammam.
Il faut aussi imaginer cette demeure richement décorée et surtout peinte, malheureusement la quasi-totalités des peintures ont aujourd’hui disparues. La chapelle est la seule pièce qui a conservé son plafond d’origine ce qui en fait l’une des salles les plus majestueuses de la maison.
Ça et là il reste cependant de nombreux indices de la richesse décorative de la maison comme cette cheminée sculptée qui a pu être restaurée, ce vitrail du XVe siècle représentant une galée (navire marchand) en écho à l’activité de Jacques Cœur où encore cette autre cheminée où l’on peut voir Jacques Cœur en train de jouer aux échecs avec sa femme faisant “échec au roi”, une représentation qui est peut-être anodine mais qui fera beaucoup parler en son temps et que certains verront comme un signe des malversations de Jacques Cœur.
Qu’est devenu le Palais après l’arrestation de Jacques Cœur ?
En 1451 lors de l’arrestation de Jacques Cœur, la maison est confisquée par le roi Charles VII qui en était jaloux. Faute d’acquéreur, elle est finalement restituée à la famille en 1457. En 1501, le petit-fils de Jacques Cœur s’en sépare et la maison passe alors de mains-en-mains pendant près de deux siècles jusqu’à devenir la propriété de Jean-Baptiste Colbert en 1679 qui la revend à la ville de Bourges trois années plus tard.
La ville y installe ses bâtiments administratifs, elle en fait d’abord son hôtel de ville avant de la transformer en palais de justice en 1820. C’est à partir de cette époque que la maison prend le nom de Palais.
Malheureusement, la nouvelle vie du désormais Palais engendre de nombreuses mutilations : certaines salles sont notamment transformées pour accueillir les salles d’audience, la chapelle est divisée, on détruit des sculptures et des cheminées… La renaissance du Palais Jacques Cœur commence en 1840 lorsqu’il est classé sur la toute première liste des monuments historiques et que les premières campagnes de restauration commencent. En 1923, l’Etat rachète le Palais qui est depuis confié au Centre des Monuments Nationaux qui en assure la gestion.
Galerie photo : détails de l’architecture du Palais
On pourrait passer des heures à contempler le Palais Jacques Cœur : son architecture est agrémentée de nombreuses sculptures d’une finesse remarquable. Voici des zooms sur quelques-unes de ces sculptures pour vous en donner un aperçu.
Informations pratiques
Adresse :
10Bis Rue Jacques Cœur
18000 Bourges
Horaires :
Horaires variables selon la saison, consultez le site du monument
Site internet :
http://www.palais-jacques-coeur.fr/
Tarifs :
8 €
Gratuit pour les moins de 26 ans, demandeurs d’emploi et personnes handicapées
Un grand merci à Thomas Bauduin pour son accueil et pour la visite passionnante !
Article réalisé en collaboration avec Berry Province.
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