Résumé :
Je suppose que pour la plupart d’entre vous le nom de Louis Thomas Hardin, dit Moondog, n’évoque pas grand-chose. Et si maintenant je vous fais écouter Bird’s Lament ?
Vous avez probablement reconnu ce petit air rendu célèbre par le DJ Mr. Scruff.
Comme le qualifie Amaury Cornut, Moondog (1916 – 1999) est un « inconnu légendaire ». Son nom n’a pas marqué les esprits mais sa musique compte pourtant des admirateurs illustres : Phil Glas, Janis Joplin ou encore Charlie Parker. Alors comment ce sans-abri aveugle aux allures de Viking a-t-il pu marquer son époque ?
Avis :
Le temps et la distance font parfois que nos amis s’éloignent et puis, un jour, ils recroisent notre route. Souvent ils semblent être devenus des étrangers mais heureusement quelques retrouvailles donnent l’impression que l’amitié est restée intacte. C’est ce qui m’est arrivé tout récemment avec Amaury et si je me permets, cher lecteur, de faire ce petit paragraphe #VisMaVie, c’est parce qu’Amaury est maintenant devenu écrivain : il vient de signer cette biographie de Moondog.
Je le savais depuis longtemps passionné par ce musicien mais je n’aurais pas cru que cette passion l’aurait amené jusqu’à l’écriture d’un livre. Alors lorsqu’il me l’a tendu en me disant « tu me diras ce que tu en penses », je m’y suis plongé avec la curiosité de celui qui découvre la création d’un ami. Et puis, au fil des pages, j’ai oublié Amaury – il m’en excusera – et je me suis laissé happer par la folle histoire de Moondog !
Et quelle histoire, une véritable épopée ! A seize ans sa vie bascule lorsqu’il devient aveugle. Après une année de dépression, il reprend sa vie en main, apprend le braille et se met à voyager. Il fait escale à New-York où il cultive une vie d’errance. Avec sa longue barbe et sa tenue insolite, il devient un vrai personnage dans la ville : on le compare parfois à Jésus. Peu croyant à la suite de sa cécité, il préfère être assimilé à un viking.
Au-delà de ce style, au-delà du personnage, Moodog c’est aussi des voyages aux Etats-Unis et en Europe ; des rencontres : Diane Arbus, Duke Elington, Jean-Louis Barrault, Phil Glass, Julie Andrews (alias Mary Poppins), Stephan Eicher… pour ne citer qu’une petite partie des célébrités qui ont croisé sa route ; et beaucoup de femmes qui ont joué un rôle prépondérant tant dans sa vie personnelle que dans l’écriture de sa musique !
Côté musique, justement, sa cécité ne l’a pas empêché de produire un millier de morceaux. Il surpasse son handicap en composant en braille ou en dictant ses créations et va même jusqu’à créer ses propres instruments. On lui doit de nombreuses symphonies qui, à défaut d’avoir pu toucher un grand public, ont influencé quantité d’artistes.
Je me souviens de Léo Ferré qui, évoquant le soleil, disait « je m’éteindrai, je m’éclairerai à vous ». Là où l’aveuglement condamnerait nombre d’entre nous, Moondog en a fait une force. Il a développé son audition et a vécu une vie extrêmement riche. Aurait-elle été aussi pleine s’il avait conservé la vue ?
La vie de Moondog est passionnante et se dévore, presque chaque page contient son lot de surprises. Cette biographie est à recommander à tous les mélomanes, une fois que l’on a tourné la dernière page, on n’a qu’une envie : écouter la musique du Viking de la 6e avenue !
Pour aller plus loin, je vous invite à écouter l’interview – passionnante – d’Amaury Cornut sur Libfly.
Extraits :
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[tab]Extrait 1/3
En 1947, il commence à user du pseudonyme Moondog en hommage à Lindy, le chien de son enfance lors de ses années passées à Hurley, et qui, selon lui, « hurlait à la lune plus qu’aucun autre chien ». Bien plus tard, il apprendra que ce « nom de guerre » signifie « arc-en-ciel au-dessus de la lune » pour les Inuits en Actique. Bien qu’il reste à jamais « Louis »pour ses amis il décide que c’est en tant que « Moondog » que le monde viendra à le connaître.
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[tab]Extrait 2/3
(…) désireux de s’approcher du mode de vie nomade des Indiens d’Amérique (…) il décide de vivre à la rue. Cette période de mendicité va durer près de vingt-cinq ans. « Ce n’est pas dégradant. Homère demandait l’aumône, ainsi que Jésus-Christ. Ce furent les Calvinistes qui affirmèrent que quiconque ne travaille pas, ne doit pas avoir de quoi manger », confiera-t-il un jour à Diane Arbus, venue le photographier. L’artiste réalise d’ailleurs à l’occasion d’une de leurs rencontres un merveilleux portrait du compositeur adossé à un mur de briques. Bien qu’extrêmement précaire et marginale, sa vie est malgré tout relativement bien organisée. Il lui arrive régulièrement de se rendre au Greyhound, le terminal de bus de la 51e Rue où il entrepose ses affaires dans une consigne, et peut également prendre des douches contre seulement vingt-cinq cents.
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[tab]Extrait 3/3
Inconnu légendaire, peut-être est-ce là le destin de Moondog. Car si l’air de « Bird’s Lament » résonne en chacun de nous, popularisé l’année de sa mort par le DJ anglais Mr. Scruff avec le sample de « Get A Move On », le nom et l’histoire de son auteur semblent comme dissimulés derrière sa marginalité. Moondog continue d’être un compositeur pour compositeurs : « père de tous les musiciens » d’après Nosfell, il est également un « génie absolu » pour R. Steevie Moore.
Il considérait la musique classique comme étant « une gigantesque mare dans laquelle [il serait] heureux d’être une toute petite grenouille. » Avant d’ajouter, poète et lucide, que « seuls, le temps et la postérité pourront décider de quelle taille était la grenouille… »
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Un peu de musique…
Difficile de parler d’un musicien sans diffuser un peu de sa musique. Voici les deux morceaux préférés d’Amaury :
Note :
2014 – 136 pages – ISBN : 978-2-36054-121-8
Amaury Cornut – Français
Editions Le Mot et le Reste
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