Fondée il y a près de 1400 ans, Jumièges fut l’une des plus grandes abbayes de Normandie. Malmenée par le temps et par les guerres avant d’être transformée en carrière de pierre à la Révolution, l’abbaye a connu des heures bien sombres. Désormais préservées, ses ruines mêlées à la nature offrent un regard vers le passé empreint de romantisme.
« Il y a du sublime à gaspiller une vie qui pourrait être utile,
à ne jamais réaliser une oeuvre qui serait forcément belle,
à abandonner à mi-chemin la route assurée du succès.
Pourquoi l’art est-il beau ?
Parce qu’il est inutile.
Pourquoi la vie est-elle si laide ?
Parce qu’elle est un tissu de buts, de desseins et d’intentions.
Tous ses chemins sont tracés pour aller d’un point à un autre.
Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu
d’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va.
La beauté des ruines ?
Celle de ne plus servir à rien. »
– Fernando Pessoa
De la création de Jumièges aux invasions Viking
C’est en 654 que commence l’histoire de Jumièges lorsque Philibert y fonde un monastère où il instaure la règle de Saint Benoît. Soutenu par la Reine Bathilde, épouse de Clovis II qui lui cède le domaine de Jumièges en 680, Philibert construit quatre églises. Très vite, le monastère jouit d’une grande renommée et attire de nombreux moines.
Mais en 841, l’invasion de la Normandie par les Vikings va avoir de profondes répercussions sur l’abbaye. Les envahisseurs la mettent à sac et incendient les bâtiments, poussant les moines à quitter le site en 885. Face à cette situation, l’archevêque de Rouen envoie une ambassade rencontrer Rollon, chef viking, qui promet de ne pas attaquer la population. En 911 un acte est signé reconnaissant la possession de la Normandie aux envahisseurs qui, ainsi sédentarisés, arrêtent de dévaster la région. En 912 Rollon se fait baptiser et devient le premier duc de Normandie, il favorise alors la renaissance des abbayes. Vers 940, son fils Guillaume-Longue-Epée relève Jumièges en faisant reconstruire l’église Saint-Pierre mais son assassinat en 942 stoppe l’émancipation de l’abbaye. Louis IV, désormais au pouvoir, favorise l’abbaye de Saint-Ouen et ordonne la destruction de l’église Notre-Dame.
La renaissance de Jumièges au XIe siècle
La nouvelle renaissance vient au XIe siècle lorsque Guillaume de Volpiano prend la direction de Jumièges et obtient du duc Richard II la confirmation de la propriété de l’abbaye ce qui lui permet d’entreprendre des travaux d’envergure. L’abbaye connait une période de fort développement et devient riche et prospère jusqu’en 1358 où elle est prise dans le tourbillon de la guerre de Cent Ans. D’abord envahie par huit cents hommes de Charles II le Mauvais, elle subit l’occupation anglaise à partir de 1415. Les moines doivent évacuer l’abbaye en 1434 et n’y reviennent qu’à la libération du pays, en 1450, retrouvant Jumièges dans une situation financière préoccupante.
Le temps des réformes
A partir de 1464, l’abbaye passe sous le régime de la commende, c’est-à-dire que les abbés sont nommés par le roi et jouissent des revenus de l’abbaye. Cette réforme n’est pas sans conséquences : la recherche de profits pousse à prendre des décisions tragiques, on décide par exemple de démolir une tour pour en vendre le plomb au lieu de l’entretenir. Au XVIe siècle est introduite la réforme de Saint Maur ce qui impose de construire de nouveaux logis pour séparer les nouveaux moines des « anciens », qui refusent ce changement. Au même siècle, Jumièges est pillé par un raid huguenot et les guerres font affluer vers l’abbaye de nombreux réfugiés. A nouveau pendant la Fronde (1648-1652), une foule de malheureux trouvera refuge à Jumièges. A la fin du XVIIe, devenue entièrement mauriste, l’abbaye entre dans un renouveau intellectuel avec l’installation d’une bibliothèque. Un nouveau logis abbatial ainsi qu’un dortoir sont édifiés.
Une abbaye mutilée
Mais cette période faste prend fin à la Révolution. Le décret eu 13 avril 1790 ordonnant la suppression des communautés religieuses aboutit à la mise en vente de l’abbaye comme bien national. Les acheteurs successifs vont commettre l’irréparable en démolissant les bâtiments : Jumièges devient une carrière de pierres ! Des morceaux sculptés sont également vendus au lord Stuart de Rothesay pour décorer son manoir situé dans le Hampshire.
Ce n’est qu’en 1853 que le nouvel acheteur, Aimé Lepel-Cointet, sauve les ruines. Classé au titre des monuments historiques en 1918 puis 1947, Jumièges est racheté par l’Etat en 1946. Désormais, les ruines sont ouvertes au public. Une architecture mutilée qui dialogue avec la nature environnante et qui fait de cette abbaye un lieu propice à la contemplation et à la méditation. Une merveille rare et, pour nous, un coup de cœur !
Le petit + : Pendant votre visite, profitez de l’application mobile ou de la tablette prêtée sur place pour voyager dans le temps et voir l’abbaye à différentes époques grâce à la réalité augmentée.
Informations pratiques
Adresse
76480 Jumièges
Horaires
Tous les jours :
de 9h30 à 18h30 du 15 avril au 15 septembre
de 9h30 à 13h et de 14h30 à 17h30 du 16 septembre au 14 avril
Site internet
Tarifs
Tarif plein : 6,50 €
Tarif réduit : 4 €
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