Le langage est souvent le miroir de l’histoire. Derrière certaines expressions que nous employons sans y penser se cachent des pratiques anciennes, parfois oubliées. C’est le cas du “sac à procès”, un objet aujourd’hui disparu mais jadis indispensable au fonctionnement de la justice française.
De ce sac sont nées plusieurs expressions encore très vivantes dans notre langue : “l’affaire est dans le sac”, “une affaire pendante” et “vider son sac”. Chacune d’elles traduit à sa manière une étape du traitement des affaires judiciaires, tout en ayant acquis avec le temps un sens figuré plus large, ancré dans le langage courant.
Le sac à procès : un objet oublié de la justice française

Sous l’Ancien Régime, avant la Révolution française, les tribunaux ne ressemblaient en rien à ceux d’aujourd’hui. Les procédures étaient longues, complexes et souvent manuscrites. À cette époque, les documents relatifs à une affaire — requêtes, témoignages, pièces de preuve, conclusions d’avocats, ordonnances, etc. — étaient conservés non pas dans des dossiers cartonnés ou des classeurs, mais dans un sac de toile : c’est ce qu’on appelait le sac à procès.
Chaque affaire avait son propre sac. Celui-ci portait le nom des parties concernées et contenait toutes les pièces nécessaires à l’instruction du procès. Ces sacs étaient entreposés dans les greffes ou les chambres du tribunal, souvent empilés ou suspendus, attendant leur tour d’être examinés par les juges.
L’image de ces sacs pleins de papiers, pendus dans les salles d’audience, illustre bien la lenteur et la complexité du système judiciaire d’alors : certaines affaires restaient “pendantes” — littéralement suspendues — pendant des années, avant d’être tranchées.
Le sac à procès était scellé ou ficelé, afin d’éviter toute falsification ou perte de documents. Lorsqu’une affaire était en cours, le sac restait “pendu” à un crochet dans la salle du greffe : c’était une manière physique et symbolique de signifier que le dossier n’était pas encore réglé. Quand le jugement était rendu, le sac était descendu et rangé, ou parfois vidé pour être archivé.

Cette organisation, à la fois pratique et symbolique, a laissé une trace durable dans la langue française. Trois expressions encore très vivantes aujourd’hui trouvent directement leur origine dans cette pratique judiciaire : “L’affaire est dans le sac”, “Une affaire pendante” et “Vider son sac”.
Les expressions issues du sac à procès
1. « L’affaire est dans le sac »
De nos jours, dire “l’affaire est dans le sac” signifie que le succès est assuré, que tout est réglé. À l’origine, l’expression avait un sens plus littéral : lorsqu’un procès était terminé, les juges plaçaient les pièces définitives dans le sac, le scellaient, puis le rangeaient dans les archives. Autrement dit, le dossier était clos.
Ainsi, dire qu’une affaire était “dans le sac” signifiait que le jugement avait été rendu et que tout était réglé. Par extension, cette expression a quitté le vocabulaire juridique pour entrer dans le langage courant, où elle garde cette idée de conclusion heureuse ou définitive : un objectif atteint, un succès garanti.
2. « Une affaire pendante »
Aujourd’hui encore, cette expression est utilisée dans le vocabulaire juridique pour désigner une affaire en cours de jugement. Son origine est littérale : le sac contenant les pièces d’un procès en attente de jugement était suspendu dans le greffe ou dans la salle d’audience afin d’éviter que les rongeurs ne s’y attaquent. Tant qu’il restait pendu, cela signifiait que le procès n’était pas terminé.
Ainsi, “une affaire pendante” était une affaire dont le sac n’avait pas encore été décroché, c’est-à-dire dont le sort n’était pas encore tranché. Cette image concrète a traversé les siècles et s’est maintenue jusque dans la langue juridique moderne. On parle encore aujourd’hui d’“affaire pendante devant un tribunal” pour désigner un dossier en cours d’examen.
3. « Vider son sac »
Cette expression, désormais courante dans le langage familier, signifie tout dire, se confier, exprimer ce qu’on garde sur le cœur. Son origine, elle aussi, remonte au sac à procès. Lorsqu’un procureur ou un avocat “vidait le sac”, cela signifiait qu’il retirait tous les documents pour examiner le contenu du dossier. Autrement dit, on mettait à jour l’ensemble des éléments d’une affaire.
De cette image concrète de déballage est née une métaphore plus intime : vider son sac, c’est tout déballer, ne rien cacher, dire tout ce qu’on a à dire — comme on sortirait toutes les pièces d’un procès pour les examiner au grand jour.

Et avoir plus d’un tour dans son sac ?
Le doute subsiste autour de cette expression. Elle pourrait être liée à un avocat rusé qui exploitait plusieurs pièces du sac à procès mais son origine vient plus probablement du sac à malice des magiciens !
								
			
			
		

						
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Voir les commentaires Hide commentsMerci Antoine pour vos commentaires précieux.