Saviez-vous que la France vit sous une anomalie temporelle ? Son fuseau horaire officiel est le même que l’Allemagne, alors que la France devrait pourtant être aligné avec celui de l’Angleterre dont elle partage pourtant le même méridien.
L’origine de cette anomalie remonte à 1940 : sous l’Occupation allemande, la France a avancé les aiguilles de ses horloges d’une heure pour être alignée avec l’Allemagne et n’a jamais retrouvé son heure d’origine. Explications.
Sommaire
L’heure française avant la guerre
Si vous avez déjà traversé la Manche vous avez probablement constaté que la France n’a pas la même heure que l’Angleterre. L’heure de Londres est considérée comme l’heure universelle « UTC » (Temps Universel Coordonné) aussi appelée GMT (Greenwich Mean Time – Temps moyen de Greenwich) tandis que Paris est sur le fuseau UTC+1, il est donc une heure plus tard en France qu’en Angleterre.
Mais ce décalage horaire n’a pas toujours existé. Entre 1911 et 1916, la France s’aligne avec l’heure de Greenwich, Français et Anglais règlent alors leurs montres à la même heure, UTC+0.
En 1916, un décret français avance l’heure légale d’une heure pour légaliser l’heure d’été et diminuer la consommation nationale d’énergie. Pendant quelques années, la France vit toute l’année à l’heure UTC+1. Puis en 1923, une nouvelle loi aménage ce changement d’heure et instaure l’alternance entre heure d’hiver et heure d’été : en hiver, l’heure revient à UTC+0 tandis qu’en été elle reste à UTC+1.
Le changement d’heure en France sous l’Occupation allemande
Le 22 juin 1940, l’armistice signé en forêt de Compiègne entre le Troisième Reich allemand et la Troisième République française marque de début de l’Occupation allemande. La France est alors divisée en deux zones : une zone occupée au Nord et une zone libre au Sud.
A cette époque, il est une heure plus tôt en France qu’en Allemagne et les Allemands, qui ne comptent pas changer leurs habitudes, imposent plusieurs réformes dont un ajustement de l’heure officielle du pays. L’heure française se voit donc alignée sur l’heure allemande à UTC+1 en hiver et UTC+2 en été, simplifiant la coordination des deux pays dans des domaines stratégiques comme les transports, la logistique et la communication militaire.
A l’inverse, ce changement d’heure perturbe l’organisation entre la zone libre et la zone occupée, notamment pour la gestion du transport ferroviaire. La SNCF propose au gouvernement de Vichy de s’aligner à son tour sur l’heure allemande ce qui sera mis en application par un décret du 16 février 1941. Toute la France vit désormais à l’heure de l’occupant.
Un retour à la normal avorté
A la Libération en 1944, un décret du Gouvernement provisoire de Charles de Gaulle prévoit le retour à l’heure UTC+0 en deux temps : en 1946 la France repasse toute l’année à UTC+1 et il est prévu de revenir à UTC+0 dans un second temps mais un nouveau décret annule cette étape pour des raisons méconnues.
Vient l’année 1976 et le choc pétrolier. Valéry Giscard d’Estaing rétablit le changement d’heure saisonnier dans le but de réduire la consommation énergétique du pays, on revient donc à UTC+1 l’hiver et UTC+2 l’été soit le retour de l’heure allemande !
Pour résumer : la France vécu à l’heure allemande entre 1940 et 1945. Entre 1945 et 1976, l’heure était allemande seulement l’hiver et depuis 1976, l’heure est à nouveau allemande toute l’année !
Avec le temps et bien que la guerre soit terminée depuis longtemps, la France est restée sur ce fuseau horaire. En 2019, le site de l’Assemblée nationale a invité les français à voter sur le maintien ou l’abrogation de l’heure d’été. 84 % des votants ont souhaité mettre fin au changement d’heure mais seulement 12 % ont émit l’envie de revenir à l’heure « méridienne » (UTC+0).
Des avantages et des inconvénients
Le maintien de l’heure allemande présente des avantages et des inconvénients. D’un côté, il permet une synchronisation avec une grande partie de l’Europe centrale, simplifiant ainsi les échanges commerciaux, les transports et la coordination institutionnelle. Cela place la France sur le même fuseau horaire que des économies majeures comme l’Allemagne, l’Italie ou les Pays-Bas, renforçant la cohérence européenne.
Cette heure « allemande » est pourtant une aberration géographique. Si l’on observe la position de la France sur une carte, la majeure partie du pays est située dans le fuseau horaire de l’Europe de l’Ouest (GMT+0), comme le Royaume-Uni ou le Portugal. Par conséquent, en théorie, la France devrait être alignée sur l’heure de Greenwich. Mais ce n’est pas le cas. En pratique, cela signifie que le soleil se lève et se couche plus tard en France qu’il ne le ferait naturellement.
Ce décalage temporel est particulièrement marqué en été. Par exemple, à Brest, à l’extrême ouest de la France, le soleil peut se coucher vers 22h30 lors des longues journées d’été, une situation qui ne correspond pas aux habitudes horaires de nombreuses autres régions du monde.
Mais la France n’est pas le seul pays à avoir gardé l’heure allemande : en 1942, sous Franco, l’Espagne a également avancé son heure pour être alignée avec l’Allemagne et est restée sous le même fuseau horaire.
Une question toujours d’actualité
Régulièrement, la question d’un retour à l’heure de Greenwich est débattue en France, notamment lors des discussions sur la suppression de l’heure d’été en Europe. Cependant, un retour à l’heure d’avant-guerre semble improbable. Le maintien de l’heure actuelle est aujourd’hui solidement ancré dans les habitudes françaises et dans les pratiques européennes. Le coût et la complexité d’un tel changement découragent les gouvernements successifs, malgré les appels de certains chercheurs et citoyens pour une réforme.
Pas de commentaires
Laisser un commentaire Cancel