Aux portes de Paris, la Manufacture de Sèvres d’attache à transmettre un savoir-faire vieux de près de trois siècles ! Depuis la création de cette manufacture de Porcelaine sous Louis XV en 1740, Sèvres a su se construire une renommée à la hauteur de son talent. Chaque pièce qui sort de ses ateliers, de la plus petite soucoupe au vase le plus imposant, est un chef d’œuvre qui fait la fierté de ses artisans.
Mais peut-on encore être moderne lorsque l’on a soufflé sa 280e bougie ?! Aujourd’hui, Sèvres collabore avec les plus grands artistes contemporains pour réaliser des pièces remarquables, poussant toujours plus loin les limites techniques sans pour autant tourner le dos à sa riche histoire. Découvrons cette manufacture – un peu magique – qui parvient à transformer du caillou en de l’ultra-luxe !
Sommaire
Brève histoire de la Porcelaine de Sèvres
Née en Chine, la porcelaine fascine par sa blancheur et par sa translucidité. Sous l’Ancien Régime, on la surnommait « l’or blanc » : c’était un bien d’ultra luxe, extrêmement recherché, à tel point que plusieurs cours européennes se mirent en quête de percer les secrets de sa fabrication. Savoir fabriquer de la porcelaine devint alors un véritable enjeu politique !
Mais c’est quoi la porcelaine ?
La porcelaine est une matière composée de trois roches : le kaolin, le feldspath et le quartz. Sa blancheur se rapproche de la nacre du coquillage « porcellana », qui lui donna son nom.
Au début du XVIIIe siècle, la découverte d’un gisement de kaolin en Saxe permit de créer la première manufacture de porcelaine hors de Chine, la manufacture royale de Meissen. La France se lança alors le défis de percer à son tour les mystères de sa fabrication.
Le Père François-Xavier d’Entrecolles, un jésuite originaire de Limoges en mission en Chine, décrivit pour la première fois la technique de fabrication de la porcelaine – ce fut l’un des premiers cas d’espionnage industriel ! Parallèlement, Louis XV, encouragé par Madame de Pompadour, finança la création de la Manufacture de Vincennes en 1740, qui parvint à réaliser des essais concluants. Les créations françaises devinrent alors des produits de luxe, capables de concurrencer la porcelaine de Chine ou de Saxe.
En 1756, la manufacture est transférée à Sèvres sous l’impulsion de Madame de Pompadour qui possède non-loin son château de Bellevue. Cette même année, Louis XV devint l’actionnaire unique de la manufacture et la rattacha au domaine de la Couronne en 1759. Dès lors, la manufacture restera attachée au pouvoir de l’Etat (la Couronne, l’Empire ou la République, selon les régimes) ce qui a permis de conserver ses archives et ses savoir-faire.
Visite de la manufacture de Sèvres
Pousser les portes de la manufacture de Sèvres donne l’impression de voyager dans le temps car si les avancées technologiques ont pu faciliter sur certains points les méthodes de production, cela ne s’est jamais fait au détriment de la main. Ainsi, les fours ont évolué, le tournage de certaines pièces se fait grâce à l’électricité… mais la quasi-totalité des taches restent manuelles car la porcelaine est une matière capricieuse que la machine peut difficilement dompter. La manufacture de Sèvres revendique ainsi une production de niche pour créer des objets d’art en petite série.
« On préfère produire peu, beau et parfait. »
La fabrication d’une porcelaine passe par plusieurs étapes. Pour certaines pièces, la porcelaine arrive liquide (on parle alors de barbotine) et est coulée dans l’un des 100 000 moules de plâtres que la manufacture conserve en réserve, un trésor surnommé « Le Magot » !
Une fois coulées et après séchages, les pièces sont alors minutieusement retouchées à la main.
Pour d’autres créations, on utilise une porcelaine en pâte souple qui sera utilisée dans les ateliers de sculpture ou de tournage.
Ne pas perdre le savoir-faire
La manufacture possède six fours à bois mais un seul est toujours en état de fonctionnement. Cette méthode de cuisson nécessite 33 heures pour atteindre 1200 degrés ; l’alimentation de 4 foyers en continu puis un mois de repos avant ouverture pour éviter un choc thermique – ce qui en fait un outil particulièrement laborieux.
Si de nouveaux fours, plus modernes, sont aujourd’hui utilisés, le four à bois est cependant mis en service tous les quatre ans pour ne pas perdre ce savoir-faire et en assurer la transmission.
Parmi les différents ateliers de Sèvre, l’un des plus impressionnants est celui dédié à la peinture. Ici, les artisans travaillent à l’aveugle car les teintes changent à la cuisson. Ils doivent donc se servir d’une « palette » élaborée lors de leur apprentissage qui leur sert de repère. On distingue les couleurs de grand feu et de petit feu, qui cuisent respectivement au-dessus et au-dessous de 1000 degrés. La plupart des pièces nécessitent plusieurs essais de peinture avant de valider la version définitive. Certains motifs demandent jusqu’à 300 heures de travail ! La fabrication d’un lot de 12 assiettes peut ainsi prendre jusqu’à 6 ans pour les motifs les plus complexes.
La palette de Sèvres compte aujourd’hui plus de 1000 couleurs dont le fameux « bleu de sèvres » devenu l’identité de la manufacture ! Ce dernier nécessite trois poses (et donc trois cuissons) successives pour lui donner cette intensité.
La plupart des pièces produites à Sèvre, notamment celles liées à l’art de la table (tasses, assiettes…) passent ensuite à l’atelier de filage-dorure. De l’or broyé mélangé à de l’huile essentielle de lavande est appliqué à la main.
Tous les agents de Sèvre sont des techniciens d’Art. En parlant avec les artisans, on réalise que chaque pièce a une anecdote, une histoire à raconter. Et si ces mêmes artisans vous confieront avec beaucoup de modestie que ce ne sont pas eux les artistes et qu’ils ne font « que » produire la pièce qui leur a été demandée, ne vous fiez pas à leur témoignage car leur savoir-faire nécessite une longue expérience et une haute technicité. Sans eux, Sèvres n’existerait pas.
Sèvres et l’art contemporain
Dès le XVIIIe siècle, la Manufacture de Sèvres a pris l’habitude de collaborer avec des artistes. Une tradition qui perdure aujourd’hui et qui permet à cette vieille dame de garder toute sa jeunesse et de pousser toujours plus loin les limites techniques de la porcelaine.
Arman, Louise Bourgeois, Jean Arp, Johan Creten, Giuseppe Penone, Pierre Soulages, Lee Ufan, Zao Wou-ki, Annette Messager et bien d’autres ont marqué l’histoire de Sèvres et prouvent que la porcelaine reste résolument moderne.
Naissance d’un musée de la Céramique
En 1800, Alexandre Brongniart est nommé à la tête de la manufacture. Pendant 47 ans, ce savant va considérablement développer Sèvres et lui donner une renommée internationale. Il fut aussi à l’initiative de la création du musée, à une époque où il était nécessaire d’apporter à Sèvres un centre des idées.
Ce musée à la vocation internationale et universelle n’est pas dédié uniquement à Sèvres. Il s’agit d’un musée d’inspiration qui a permis de faire se confronter des formes, des décors, couleurs et techniques du monde entier, de l’antiquité à nos jours. On y trouve désormais plus de 50 000 pièces dont plusieurs oeuvres contemporaines.
« La porcelaine, ce n’est pas que des tasses ou des soucoupes ! »
Charlotte Vignon, directrice du Patrimoine et des Collections du musée
S’offrir une porcelaine de Sèvres
La manufacture produit essentiellement pour l’État et fournit notamment le service de table de l’Elysée. Mais certaines pièces sont en vente, notamment celles liées à la création contemporaine.
Évidemment, ce travail artisanal a un coût, tout le monde ne peut pas s’offrir un service de Sèvres (comptez 600 € la tasse !) et les pièces les plus délicates signées par des artistes de renom peuvent largement dépasser les 100 000 euros.
Certaines porcelaines anciennes refont régulièrement surface dans les Maisons de ventes aux enchères. Récemment, trois assiettes remarquables du XIXe siècle ont été adjugées chez Auctie’s entre 9 et 19 000 € pièce !
Il est cependant possible de se faire un (beau) cadeau en s’offrant une petite sculpture en biscuit de Sèvres (la porcelaine laissée nue, sans émail ni décor peint), un bijou ou encore un vase sur l’e-boutique de la Manufacture. Les premières pièces sont proposées à partir de 270 €.
Vous l’aurez compris, acheter une pièce produite à Sèvres, c’est avant tout acheter un savoir-faire et une histoire et ça, ça n’a pas de prix !
Informations pratiques
Attention, seul le musée se visite. La manufacture n’est ouverte au public que lors de rares occasions comme les Journées du Patrimoine.
Adresse :
Sèvres – Musée de la Céramique
2 place de la Manufacture Nationale
92310 Sèvres
Horaires :
Tous les jours, sauf le mardi
De 10h à 13h et de 14h à 18h
Site internet :
https://www.sevresciteceramique.fr/
Tarifs :
Tarif plein : 7 €
Tarif réduit : 5 €
+ 1 € pour les expositions temporaires
Gratuit pour les moins de 26 ans
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Merci aux équipes de Sèvres et aux artisans pour leur accueil et leurs explications.
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