Depuis son ouverture, la jeune Fondation Louis Vuitton ne cesse de présenter des expositions exceptionnelles. Cette saison encore, elle place la barre haut en proposant deux expositions rétrospectives consacrées à Egon Schiele (1890-1918) et Jean-Michel Basquiat (1960-1988) tandis que cette année marque le centenaire de la mort du premier et les trente ans de la mort du second.
De ces deux artistes, c’est surtout Egon Schiele qui a retenu mon attention, il faut dire que j’attends depuis longtemps qu’une exposition d’envergure lui soit consacrée à Paris – cela n’était plus arrivé depuis 25 ans ! – sachant que la plupart de ses œuvres sont conservées à Vienne ou dans des collections particulières. Cette rétrospective proposée par la Fondation Vuitton est donc particulièrement remarquable.
Le style Egon Schiele
L’exposition présente plusieurs chefs d’oeuvre en provenance de Vienne mais n’a pas pour autant vidé les musées viennois. De nombreux dessins ont pu être empruntés à différentes collections particulières ce qui permet de se concentrer sur la « ligne » de Schiele : observer sa façon de dessiner, de peindre, l’évolution de son style…
Schiele est donc né en 1890 et très vite il se met au dessin. Il aime dessiner des nus mais dans une société viennoise encore très prude, cette pratique est mal perçue. L’artiste doit faire des visages moins identifiables, dessiner des corps « objets » davantage tolérés.
A l’âge de 15 ans, il perd son père ce qui l’affecte beaucoup. Malgré les réticences de sa mère et de son oncle, il passe le concours des Beaux Arts de Vienne en 1906, la même année qu’un certain Hitler (!) mais contrairement à ce dernier, Schiele réussira à intégrer l’Académie.
Schiele a cependant beaucoup de difficultés à se conformer à l’académisme de son école, il reçoit un blâme car il a participé à une exposition avant d’être diplômé. Il quitte finalement l’Académie et continue à travailler son style.
En 1909, Egon Schiele constitue un collectif qui ne cherche pas à créer dans la continuité du passé mais plutôt à s’inspirer de « soi ». Il veut montrer de nouveaux corps, faire prendre conscience que tout le monde n’a pas la même peau et commence à déstructurer l’anatomie de ses personnages. En ce début du XXe siècle, il est possible qu’il ait été influencé par l’arrivée de la radiographie ou de nouvelles danses dont les chorégraphies sortaient des carcans académiques.
Il vit avec peu de moyens car ses dessins n’attirent pas les acheteurs. Pourtant, il dépense beaucoup et mène une vie de dandy. Sur un autoportrait où il ne représente qu’une tête violacée d’une inquiétante étrangeté, Schiele montre qu’il est un homme torturé : il a perdu son père, s’entend mal avec sa mère, il est pauvre et incompris… sa vie est compliquée. Mais il est encore jeune, seulement une vingtaine d’années et comme beaucoup de jeunes adultes de son âge il se cherche encore.
1912 : le tournant
En 1912, Egon Schiele fréquente Wally Neuzil, une jeune femme pauvre qui pose nue : il n’en faut pas beaucoup plus pour faire parler la société viennoise qui critique cette relation avec une femme qui n’est pas de bonne vertu.
Schiele a aussi une passion pour la beauté juvénile, il peint beaucoup d’enfants nus qui viennent dans son atelier. Ses dessins peuvent être considérés comme subversifs même si rien ne porte à croire qu’il ait eu un comportement pédophile, il extériorisait vraisemblablement ses pulsions à travers l’art. Toujours est-il que face à ces dessins et à sa fréquentation avec Wally Neuzil, le père d’une petite fille porte plainte. Schiele est arrêté et emprisonné une vingtaine de jours pour immoralité ; plusieurs de ses dessins sont également détruits.
Bien que sa détention fut courte, Schiele sortira profondément marqué par cet épisode qui va bouleverser son style : ses dessins deviennent moins érotisés, la peau est moins maltraitée ; il commence à se conformer aux normes de la société viennoise.
Les dernières années
En 1914, Schiele se retrouve très endetté et doit trouver de l’argent. Il est contraint de se séparer de Wally Neuzil pour trouver une compagne jugée plus « convenable ». A la veille de son mariage en 1915 avec Edith Harms, il propose cependant à Wally un contrat où ils se verraient une semaine par an pour faire perdurer leur relation. Evidemment, celle-ci refuse ; elle deviendra infirmière pendant la guerre et meurt des suites d’une maladie en 1917, ils ne se seront plus revus.
L’année 1915 est sombre pour Egon qui se représente en aveugle : il évoque la perte de son « soi » adolescent. C’est aussi le début de la Première Guerre Mondiale qui assombrit le pays tandis que sa sœur préférée se marie et s’éloigne donc de lui. Le tableau Soleil d’automne (1914), représentant des tournesols fanés, souligne également cette mélancolie et fait écho à l’angoisse qui secoue l’Europe.
Cette même année, il est mobilisé pour l’effort de guerre ; son rôle est administratif, il est gardien de prison et tient des livres de comptes. Bien qu’éloigné du front, il perçoit la guerre comme une attaque contre l’humanité et écrit :
« Depuis que l’horreur sanglante de la guerre a fondu sur nous, beaucoup en sont venus à penser que l’art est bien plus qu’un luxe bourgeois. »
Bien que ralenti dans son travail, il continue à peindre, notamment les enfants de sa sœur. Le succès arrive enfin en 1917, Schiele parvient à présenter son travail dans des expositions d’envergure. Mais c’est aussi l’année de la mort de Klimt, son maître spirituel : Schiele prend alors sa place en tête de file de l’avant-garde.
Au début de l’année 1918, sa femme Edith tombe enceinte mais pendant l’été et tandis qu’elle sort faire des courses au marché noir, elle contracte la grippe espagnole qui décime l’Europe. Sur son lit de mort, trop fatiguée pour pouvoir parler, elle écrit à Egon : « Je t’aime et je t’aimerai d’un amour incommensurable ». Elle décède le 28 octobre 1918. Schiele, malade à son tour, s’éteint 3 jours plus tard le 31 octobre. Il a 28 ans.
Comme vous pouvez le constater, plus que l’oeuvre d’un artiste c’est aussi le parcours d’un homme confronté aux maux de son époque que la Fondation Vuitton nous invite à découvrir. Une exposition à ne pas manquer car qui sait quand il sera à nouveau possible de voir autant de dessins et peintures de Schiele en France ?
Évitez l’attente : Billet accès prioritaire pour l’exposition Egon Schiele / Jean-Michel Basquiat
Informations pratiques
Adresse
Fondation Louis Vuitton
8 Avenue du Mahatma Gandhi
75116 PARIS
Horaires
Lundi, mercredi et jeudi de 11h à 20h
Samedi et dimanche de 9h à 21h
Fermé le mardi
Du 20 octobre au 4 novembre : tous les jours de 9h à 21h
Temps restant
Jusqu’au 14 janvier 2019.
[countdown date=2019/01/15] Il vous reste [dtimer] pour aller voir cette exposition[after]L’exposition est terminée.[/countdown]
Site internet
Billet accès prioritaire
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Tarifs
Tarif plein : 16 €
Tarif réduit : 10 €
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