Nous avons vu pour vous le film Do Me Love, du metteur en scène et auteur Jacky Katu dont nous avions aimé la pièce L’Amour sera convulsif ou ne sera pas. Toujours sur le même thème de l’Amour avec un grand « A », il s’est lancé dans la réalisation d’un film avec la complicité de Lou Viger.
Notre accueil du film sur ces pages est néanmoins beaucoup plus réservé. Après une semaine de digestion de scènes incongrues et peu convaincantes pour certaines, nous vous livrons notre chronique. À n’en pas douter, l’attachement en France pour le film d’auteur est grand. Rappelons-nous qu’en 2014, tout le monde attendait encore avec impatience l’Adieu au langage de Jean-Luc Godard, figure de proue de la Nouvelle Vague. Qu’y a-t-il cependant à attendre vraiment d’un film sur un énième couple de la bourgeoisie traditionnelle française qui se fait et se défait ? Question qui vient également à l’esprit en allant voir Do Me Love. Voici les ingrédients de l’histoire, très simple : une jeune fille, un homme marié, les deux traversent une phase de vide existentiel ; ils décident pour tromper leur ennui d’entretenir une relation érotique. Au lieu de tirer parti des nouvelles configurations de relations que nous pouvons vivre aujourd’hui, les réalisateurs reviennent visiblement dans les années 60, où les jeunes filles ne semblent avoir rien d’autre à faire que de poursuivre des hommes mariés sans attrait et les hommes mariés que de s’ennuyer dans leur vie professionnelle et sociale. En effet se succèdent des scènes de vaudeville ou de désespoir dans des rues désertes, des scènes de jeunes filles à vélo à la Rohmer, des scènes de disputes de couple ou de jalousie sauvage qui ont un fort goût de déjà-vu.
Au demeurant le film renouvelle en quelque sorte le genre, par deux aspects. Tout d’abord, la réalisation en elle-même contrainte par un petit budget a amené les réalisateurs à utiliser de manière inédite un petit Lumix Panasonic, qui n’est autre qu’un petit appareil photo numérique… une utilisation inédite pour un film d’auteur ! Ainsi nous sommes au plus près des visages sans fard, d’une réalité crue où rien, -cela est certain- ne nous est épargné : ni la cage d’escalier inhospitalière, ni sa lumière blanche sans poésie aucune, ni la cuisine ordinaire du couple, ni la chambre de la maison bourgeoise remplie de photos de famille et de meubles vieillots, ni le bar sans attrait. Votre quotidien vous apparaîtra sans nul doute plus poétique en ressortant de la projection tant ce dernier accumule les détails volontairement crus et déprimants !
Ensuite l’impossibilité à classer le film dans une catégorie ou une autre brouille les frontières de notre imaginaire et le titille : comédie dramatique ou film érotique pur et dur ? La jeune Juliette est jouée par deux comédiennes différentes dont le talent à nous faire vivre leurs émotions face à la caméra est certes bien réel. Toutefois ce parti pris d’une identité démultipliée n’est pas totalement exploité, bien qu’il permette au film de flirter avec le genre fantastique. Les scènes burlesques ou absurdes qui émaillent la trame érotique quant à elles perturbent et surprennent, nous interpellant sur la solitude des êtres et la recherche du plaisir.
Nous émettons cependant des réserves encore sur l’écriture-même du scénario, qui suit une chronologie attendue et nous offre malgré la volonté de réalisme une histoire particulièrement peu ancrée dans la réalité, et des scènes pénibles, comme cette déposition de plainte pour viol, qui -bien sûr-, n’a pas été commis… Encore une représentation de jeune fille fragile et paumée qui inculpe un pauvre homme-plus-âgé-qui-n’a-rien-fait dont nous nous serions volontiers passés.
Pour finir cependant sur une note positive et dans le genre, -car comment ne pas y penser lorsque l’on voit l’affiche-, nous vous conseillons Kaboom de Greg Araki sorti en 2010 ou Les Amours imaginaires de Xavier Dolan ou bien encore Romeos de Sabine Bernardi qui a été un véritable coup de coeur pour l’année 2012. Tous ces longs métrages proposent, à la place de représentations d’une sexualité qui nous a semblé tout simplement morbide et ennuyeuse dans Do Me Love, une sexualité qui peut être parfois douloureuse mais tout de même joyeuse, faisant appel à tous les sens et permettant de vivre des choses surprenantes et de se découvrir des désirs…ne serait-ce que de sa place de spectateur !
Informations techniques
La bande-annonce du film sortira le 30 mars 2016.
Réalisation et scénario : Jacky Katu et Lou Viger
Jeu : Lizzie Brochere, Christine Armanger, Patrick Zocco, Valerie Maes, Sabine Bail, Virginie Chase, Alexandre Dufour, Ali Marhyar.
Production et distribution : Wide Management
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