La nouvelle avait fait le tour du monde et jeté la ville de Saint-Omer sous le feu des projecteurs : un first folio de 1623, réunissant l’ensemble des pièces de Shakespeare avait été identifié en novembre dernier. Ce bel ouvrage est l’une des pièces maîtresses de l’exposition Shakespeare, what else ? qui met en valeur la collection patrimoniale de littérature anglophone conservée par la bibliothèque.
« En salle des ventes, les enchères pour le first folio commenceraient à £ 1,2 millions, alors que l’on partirait à £ 1,5 millions pour ces manuscrits de l’époque carolingienne », explique Rémy Cordonnier, responsable des fonds patrimoniaux de la bibliothèque. Nous devons les manuscrits en question, datés du IXe siècle, à la patiente dextérité de plusieurs moines de l’Abbaye de Saint-Bertin dont l’écriture trahit des origines anglo-saxonnes. Ils comptent parmi les plus anciens de la collection.
Pris ensemble, les ouvrages présentés racontent une certaine histoire de la littérature anglophone produite en Grande-Bretagne et, à partir du XIXe siècle, aux Etats-Unis. Les visiteurs circulent parmi les auteurs emblématiques de la pensée médiévale et de la philosophie humaniste, découvrent les autres stars du théâtre élisabéthain, traversent la guerre civile, les Lumières et le Romantisme. Outre-Atlantique, la littérature naît avec l’indépendance et l’exposition s’achève avec la remise en question de l’American Way of Life et la poésie d’Emily Dickinson.
Individuellement, chaque livre est une petite histoire dans l’Histoire, bien difficile à retracer. Leur collection d’origine et leurs pérégrinations jusqu’à Saint-Omer restent souvent mystérieuses, à commencer par celles du fameux first folio, vraisemblablement arrivé au XVIIIe siècle via le collège des Jésuites anglais.
Certaines de ces péripéties sont miraculeusement parvenues jusqu’à nous. Le manuscrit de « L’Abrégé de l’Essai de Chronologie Ancienne » d’Isaac Newton, annoté de la main du savant lui-même, a connu bien des rebondissements. Réservé à un cercle restreint, l’ouvrage tombe entre les mains de l’Abbé Antonio Schinella Conti qui le fait discrètement copier lors d’un séjour en Angleterre. Newton est furieux, mais trop tard : le texte est déjà arrivé jusqu’en France, et Nicolas Fréret en publie une version commentée. Newton se fait alors envoyer par Martin Folkes, président de la Royal Society, un exemplaire de la version de Fréret afin de prendre connaissance des critiques qui lui sont adressées. Entre temps, il égare le manuscrit d’origine et tombe gravement malade. Il renverra tout de même à Folkes le livre, couvert d’annotations. C’est avec beaucoup d’émotions que l’on retrouve ce même volume dans l’exposition, près de 300 ans plus tard.
Ces livres rares sont à admirer pour trois petits mois – conservation oblige – à la Bibliothèque d’Agglomération de Saint-Omer, dans un cadre magnifique et une scénographie qui les met parfaitement en valeur. Qui plus est, l’exposition est gratuite et ouverte 7 jours sur 7. A découvrir pour un weekend culturel entre Lille, Lens et Saint-Omer !
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