Un caillou venu de l’espace et qui est à la source de nombreuses découvertes scientifiques peut-il rimer avec de la littérature ? Valérie Rouzeau nous donne la réponse : c’est oui, surtout s’il s’agit de poésie.
Face aux mystères scientifiques, l’écrivain clame sa fascination :
Des lustres et des lustres pour tant d’obscurité
Nous on entend cantique lorsqu’on nous
dit quantique
Puis la formule d’Einstein E = mc²
Ne nous éclaire guère même si le Soleil brille
Et s’il doit exploser en dix milliards d’années
Qu’est-ce que ça peut nous faire ces zéros ces étoiles
Ces équations méchantes voleuses d’éternité
Cette science bordel on n’y a pas accès
(Diérèse pour science et prononcer l’euh muet)
(Diérèse pour diérèse et pour la poésie)
Pourquoi n’apprend-on pas la raison bleue du Ciel
À l’école ? Les enfants sont très intelligents
Ils farandolent dolent à faire tourner la Terre
Valérie Rouzeau joue avec la magnificence de l’objet. Sérieuse lorsqu’elle se demande ce que faisaient ses proches au moment où la météorite a touché la Terre, elle se laisse aller un peu plus loin à l’humour en glissant dans ses vers quelques fameux jurons du célèbre Capitaine Haddock :
Pour l’astronome pour le prophète pour le banquier
L’étoile est une aubaine fortune ou don des dieux
Oh Bandits ! Renégats ! Naufrageurs ! Ectoplasmes !
Cloportes ! Papous ! Judas ! Patapoufs ! Catachrèses !
Mille millions de sabords ! Moujiks ! et : Rhizopodes !
Les anneaux de Saturne la tête qui vous tourne
À cause d’une brique d’une pomme tombées en plein
dessus
Le caillou de Tintin l’occiput de Milou
À cause d’une flasque de whisky douze fois
Le Fonds Européen des Recherches Scientifiques
La Ligue des Marins Antialcooliques – hic !
Capitaine du navire Aurore merci encore
De ces joyaux postillonnés si bien lancés.
Au fond, quoi de mieux que les vers pour évoquer l’inconnu, l’imaginaire, l’inexploré, l’inattendu et les rêves ? Puisque les musées ont pour but de nous faire voyager, rêver, créer, divaguer, pourquoi ne pas laisser la poésie parler des trésors qu’ils renferment ?
C’était un pari osé que de créer 22 poèmes à propos d’une météorite, on aurait pu s’en lasser mais non, chaque poème a un style qui lui est propre, comme autant de visiteurs qui viendraient donner leurs impressions sur un objet qui, 45 ans après sa découverte, continue de fasciner.
Extraits :
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[tab]Extrait 1/2
Un globe de feu explose –
Le paysan dans la nuit
Un nuage noir
N’en croit ni ses yeux
Avec un bruit de canonnade
Ni ses oreilles
Une pierre
Pas un simple caillou
Une averse de pierres
Pas une pluie ordinaire
Tombe du ciel en sifflant
Le paysan n’a pas trop bu
Ni de vin ni de téquila
Il témoigne ébloui : oui oui.
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[tab]Extrait 2/2
Lois d’universelle gravité
Le pot de fleurs au sol s’écrase
Comme un projet qui tombe à l’eau
Un bolide un très gros grêlon
Un homme amoureux ou malade
Et la pomme direct du pommier
Ni d’Ève ni d’Adam la pomme pomme
Quand la Lune elle reste accrochée
De quoi avoir la tête qui tourne
Une vraie fièvre de samedi soir
Elles chutent bien du poirier les poires
Mais alors cette pluie de cailloux
Un collier de déesse colère ?
Une ceinture pour aller valser
Entre Mars et puis Jupiter ?
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Interview de l’auteure :
Note :
2014 – 51 pages – ISBN : 978-2918698708
Valérie Rouzeau – Française
Ce livre fait partie de la collection Récits d’Objets, co-éditée par le Musée des Confluences et les éditions Invenit.
Merci à Libfly et à la Voie des indés qui nous a permis de découvrir cette collection.
A propos de la météorite Allende :
David Besson, chargé des collections des sciences de la Terre, musée des Confluences
Le 8 février 1969 à 1h05 du matin dans l’état de Chihuahua au Mexique, un bolide lumineux déchire le ciel nocturne avant d’exploser violemment en une pluie de fragments incandescents. Cette météorite sera baptisée Allende, en référence au petit village Pueblito de Allende où la majorité des fragments sont tombés. Plus de deux tonnes seront récupérées sur une surface de près de 300 kilomètres carrés.
Il s’agit d’une météorite d’un type rare : une chondrite carbonée. De même nature que les matériaux primitifs à partir desquels la Terre s’est formée, elle est un précieux témoin des débuts de notre système solaire. Elle renferme une grande variété de composés organiques indispensables à la formation de la vie, notamment des acides aminés, constituants élémentaires des protéines. Plus remarquable encore, elle présente de petites zones blanches riches en aluminium et en calcium. Ces inclusions, vieilles de 4 milliards 600 millions d’années, constituent les plus vieux fragments de roche que la main de l’homme n’ait jamais touché. Cette météorite contient également de la poussière d’étoile sous forme de minuscules diamants. Formés dans d’anciennes étoiles qui ont par la suite explosé en supernovae, ils sont plus vieux que notre propre soleil. La météorite Allende a déjà tellement apporté pour la compréhension de la formation du système solaire qu’elle est parfois qualifiée de « pierre de Rosette de la planétologie ».
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