Lorsque l’on pénètre dans un musée, on s’intéresse généralement à la beauté de l’œuvre, à sa signification ou encore à son créateur. On s’interroge peu en revanche sur la vie qu’a pu connaître l’œuvre avant d’y être exposé. Si la narratrice de cette nouvelle vient observer le châle de soie de mer, ce n’est pas tant pour admirer l’objet que pour renouer avec ses souvenirs puisque ce châle appartenait à sa famille. A peine le conservateur a-t-il ouvert la boite qui le protège qu’elle se retrouve projetée dans son enfance :
Dans cette famille italienne très patriarcale, son père est un chef de famille fasciste et autoritaire. Il possède tout et ne laisse à ses deux soeurs que le stricte nécessaire pour vivre. Nella, la tante, ne veut pas se marier, préférant garder sa pauvre liberté que d’être sous la tutelle d’un mari. La narratrice observe sa famille se déchirer mais reste fascinée par cette tante pleine de volonté et si sûre d’elle. Dans la pauvreté de sa vie, la plus grande richesse que possède sa tante est ce châle :
Plus qu’un simple bien, ce châle correspond à la personnalité de Nella : à la fois précieux, sauvage et fragile. Ne supportant pas le poids trop lourd du souvenir évoqué par le châle, la narratrice en a fait don au musée :
Dans cette nouvelle, le châle si brillant n’est pas exposé mais simplement gardé dans le noir des réserves. Heureusement, pour nous cette nouvelle n’est qu’une fiction et le châle devrait trouver sa place avec les papillons et les soies sauvages qui seront exposés au musée des Confluences.
Interview de l’auteure :
Note :
2014 – 76 pages – ISBN : 978-2918698616
Emmanuelle Pagano – Française
A paraître le 22 octobre 2014
Ce livre fait partie de la collection Récits d’Objets, co-éditée par le Musée des Confluences et les éditions Invenit.
Merci à Libfly et à la Voie des indés qui nous a permis de découvrir cette collection.
A propos du châle de soie de mer :
Par Joël Clary, responsable des collections de sciences de la Vie, musée des Confluences
L’originalité de ce châle tient autant à sa nature qu’à son histoire. Sa matière est la soie, pas celle du bombyx du mûrier, le ver à soie domestiqué par les humains, ni la soie sauvage produite par différentes espèces de papillons asiatiques ou africains, mais le fil soyeux élaboré par un coquillage bivalve, la grande nacre de Méditerranée. Pour résister aux courants, le mollusque s’ancre au fond marin au moyen d’une touffe dense de filaments formant le byssus. Ce châle a ainsi été tricoté à partir de telles fibres préalablement lavées puis cardées, tandis que son pourtour est orné d’une frange de byssus à l’éclat mordoré. Relatée depuis l’Antiquité, l’exploitation de la soie de mer le long des côtes de la Sardaigne, de la Sicile, de la Calabre et des Pouilles, a perduré jusqu’au début du XXe siècle. La confection de pièces vestimentaires de luxe (gants, bas, bonnets, châles…) était destinée aux hauts dignitaires politiques et religieux. Une étude récente recense l’existence d’une soixantaine seulement de pièces en soie de mer, et ce châle, acquis en 2002 auprès d’une famille italienne, en constitue une pièce phare. Objet exceptionnel par sa rareté et son histoire, il trouve tout naturellement sa place au sein de l’ensemble de papillons et de soies sauvages de l’ancienne « Condition des soies de Lyon » conservée au musée des Confluences.
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