Au sortir de la guerre, avec le retour de la paix et la puissance retrouvée, l’Europe est plongée dans une nouvelle euphorie. Il faut être moderne et l’industrie tourne à plein régime pour effacer les stigmates des années douloureuses. Dans cet élan, l’Art Déco a le vent en poupe. Dès le début des années 20, ce nouveau style connaît un vrai succès en France avant de séduire le monde à partir de 1925, notamment grâce à l’exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes.
La Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose une rétrospective inédite de l’esthétisme de l’Art Décoratif, symbole de modernité et d’une époque emplie d’espoirs pour l’avenir.
A travers un parcours en trois parties, l’exposition nous aide à faire la distinction entre Art Déco et Art Nouveau avant de nous présenter l’Exposition Internationale de 1925. La visite se termine par un aperçu de l’influence Art Déco autour du monde.
Art Déco ou Art Nouveau ?
L’Art Déco succède à l’Art Nouveau déjà jugé « old school ». Ces deux styles au nom proche sont pourtant bien différents.
Situé entre 1890 et 1914, l’Art Nouveau est marqué par des formes courbes et charme ses contemporains grâce à sa technicité avant d’être qualifié au début des années 20 de style « nouille » ou « vermicelle ».
A l’inverse, l’Art Déco (1919-1940) est associé au luxe mais peut aussi être accessible au plus grand nombre, grâce à des formes géométriques, simples et épurées.
Les années 20 : entre progrès et modernisme
Plus qu’un style architectural et décoratif, l’Art Déco traduit le style moderne d’une époque en pleine révolution industrielle et culturelle : le cinéma devient un spectacle populaire, il se colorise et deviendra bientôt parlant ; l’automobile commence à se démocratiser et l’apparition de l’aviation permet de se rendre facilement d’une capitale à une autre.
L’architecture et le design accompagnent cette aventure : à Paris le Gaumont Palace peut accueillir 6000 spectateurs ; on donne un fuselage aux voitures ; on construit des aéroports, des pistes d’atterrissage ; les couturiers créent des vêtements élégants et les premiers parfums apparaissent.
Les années 20 sont également marqués par de grands progrès sociaux. La femme est sur tous les fronts : elle conduit, fait du sport, fume, boit et étudie la science, l’architecture, le design…
L’Afrique s’impose aussi, à l’image de Habib Benglia, premier acteur noir du cinéma français ou de Joséphine Baker qui se fait l’ambassadrice de la culture africaine.
L’exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de 1925
C’est dans cette toute nouvelle effervescence que s’ouvre en 1925 l’exposition internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes à Paris. Il s’agit d’un événement majeur dans la propagation du style Art Déco dans le monde. Conscients de l’impact de l’exposition bien au-delà des frontières françaises, de grandes enseignes confient la réalisation de leurs pavillons à des architectes de renom.
La deuxième partie de l’exposition de la Cité de l’Architecture s’attarde sur ces pavillons en détaillant leur architecture et leurs spécificités :
- – le « Pomone » du Bon Marché construit par Hippolyte Boileau ;
- – l’audacieux « Primavera » du Printemps dessiné par Henri Sauvage autour d’une grande coupole ;
- – le « Studium » des Grands Magasins du Louvre élaboré par Étienne Kohlmann et Georges Djo-Bourgeois ;
- – « La Maîtrise » dont la conception est confiée à Joseph Hiriart, Georges Tribout et Georges Beau. Ce pavillon contenait une immense verrière réalisée par Jacques Gruber qui reposait sur d’imposantes colonnes ;
- – La Manufacture de Sèvre conçue par Géo Lechevallier-Chevignard composée de deux pavillons réunis par un jardin ;
- – L’Ambassade Française réalisée par la Société des Artistes Décorateurs qui avait pour ambition d’exporter l’excellence française ;
- – Le Pavillon du Tourisme signé Robert Mallet-Stevens ;
- – L’Hôtel du collectionneur dirigé par l’architecte-ensemblier Jacques-Émile Ruhlmann, aussi surnommé « le pape de l’Art Déco ».
Quand l’Art Déco séduit le monde
Avant de séduire le monde, l’Art Déco séduit d’abord la France. L’élan de modernisme des années 20 permet une réaction en chaîne : la démocratisation de l’automobile et le développement de l’aviation dynamisent le tourisme ainsi que l’attrait pour les cures thermales et les sports d’hiver. On voit ainsi apparaître de nouveaux bâtiments Art Déco : des hôtels ou des salles de spectacle, à l’image de la salle Pleyel sortie de terre en 1927.
Bien qu’associé au luxe, l’Art Déco se démocratise grâce à l’arrivée de nouveaux matériaux qui imitent les matériaux luxueux. L’Art Déco s’empare des habitations et les boutiques se chargent de diffuser ce nouveau style dans les villes.
Les années 20 marquent par ailleurs un tournant dans l’éducation des enfants. Les artistes et illustrateurs commencent à créer des livres et objets qui leur sont destinés. On cherche à développer la sensibilité artistique, l’autonomie et l’initiative.
[box type= »info »]
Aujourd’hui encore de nombreux immeubles Art Déco sont visibles dans Paris. Dans l’exposition, un écran interactif permet de les visualiser arrondissement par arrondissement.
[/box]
Au-delà de l’exposition de 1925 qui sera un réel succès, d’autres facteurs expliquent la propagation de l’Art Déco au-delà de nos frontières.
Les portfolios, très en vogue dans les années 20 et 30, permettent aux créateurs de promouvoir leur travail mais servent également à diffuser de nouvelles formes, des styles et des idées. On trouve des portfolios dans toutes les disciplines : mobilier, architecture, sculpture, mode…
Les années 20 sont également marquées par l’apparition de nouvelles techniques de communication. La distribution du courrier tout comme la téléphonie s’améliorent, permettant de faire circuler les idées plus rapidement.
Autre vecteur : les paquebots. A l’image du Normandie ou de l’Île-de-France, ils sont habillés avec un mobilier art déco pour séduire la clientèle. Salués pour la richesse de leurs aménagements, ils joueront un rôle important dans la promotion de ce nouveau style.
L’exposition de la Cité de l’Architecture se termine en montrant l’influence de l’Art Déco dans le monde. Une scénographie originale permet de voyager successivement à Rio de Janeiro, Chicago, Tokyo, Shangaï, Hanoï, Belgrade…
En bref
Quel autre lieu que la Cité de l’Architecture aurait pu mieux accueillir cette exposition ? Le Palais Chaillot, conçu dans un style typiquement Art Déco, est l’écrin idéal de cette exposition.
Les commissaires (Emmanuel Bréon, Philippe Rivoirard et Bénédicte Mayer) ont su présenter une exposition qui va bien au-delà de l’architecture et qui dresse un bel état des lieux de l’élan de modernisme qui s’est emparé de toutes les strates de la société dans les années 20. La visite se fait au milieu d’une très belle scénographie où même les enfants trouveront leur compte grâce à un espace qui leur est dédié. Seul bémol : les cartels, petits, sont difficilement lisibles en cas d’affluence.
Pour moi il s’agit de l’une des plus belles expositions de la saison, à ne surtout pas louper !
Cité de l’Architecture et du Patrimoine
Palais de Chaillot / 1, place du Trocadéro (Paris 16e)
Jusqu’au 3 mars 2014
Tous les jours, sauf le mardi, de 11h à 19h
Nocturne les jeudis et, à partir du 17 janvier, les vendredis, jusqu’à 22h (dernier accès 21h)
Tarif plein : 12 € / Tarif réduit : 8 €
[box type= »info »]
Attention, l’exposition a un succès mérité, il est donc recommandé de consulter les horaires d’affluence avant de vous y rendre.
[/box]
Des personnes ont réagi à cet article
Voir les commentaires Hide comments[…] La Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose une rétrospective inédite de l’esthétisme de l'Art Déco, symbole de modernité et d’une époque emplie d’espoirs pour l’avenir. […]
[…] “ La Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose une rétrospective inédite de l’esthétisme de l'Art Déco, symbole de modernité et d’une époque emplie d’espoirs pour l’avenir.” […]
[…] La Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose une rétrospective inédite de l’esthétisme de l'Art Déco, symbole de modernité et d’une époque emplie d’espoirs pour l’avenir. […]