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Le 25 août 1944, Paris était libéré par les alliés. Dès le 11 novembre, tandis que la France se bat encore contre les nazis, le Musée Carnavalet présentait déjà une exposition sur la libération. Réalisée à la hâte et sous le coup de l’émotion, cette exposition affichait un point de vue biaisé.
À l’occasion du 70e anniversaire de la Libération de Paris, le Musée Carnavalet proposait un nouveau regard sur l’exposition de 1944, en rétablissant la vérité historique.

Exposition 1944 libération de Paris
Affiche de l’exposition de 1944
Anonyme (d’après une photographie de René Zuber).
Paris, musée Carnavalet. Dimensions : H : 64,4 cm x L : 49,8 cm

Paris pendant l’occupation

Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris. Les trois quarts des 2,8 millions d’habitants qui peuplaient alors la capitale ont déjà pris le chemin de l’exil. Ceux qui restent s’apprêtent à vivre quatre années d’occupation. Dès les premiers jours, on peut lire sur les murs de la ville :

Avis aux habitants de Paris. Paris ayant été déclarée “ville ouverte”, le Gouverneur militaire invite la population à s’abstenir de tout acte hostile et compte qu’elle conserve le sang-froid et la dignité qui s’imposent en ces circonstances.

Lors de l’exposition de 1944, un seul panneau de huit photographies, axé sur le départ des allemands, abordait la période de l’occupation. L’exposition qui se tient actuellement au musée Carnavalet nous en apprend plus sur la vie pendant l’occupation et montre une ville sous tension malgré une campagne de propagande allemande incitant les parisiens à garder le calme et à faire confiance.

Paris est transformée, tant par les Allemands qui mettent en place des installations militaires, que par certains parisiens qui cherchent à résister.

Le début de l’insurrection

Le 17 août, les parisiens reçoivent l’appel de la Résistance à déclencher l’insurrection pour faciliter l’arrivée des premiers blindés. Une véritable guérilla urbaine a alors lieu entre les résistants et les troupes nazies.
L’un des plus gros travers de l’exposition de 1944 était d’insister trop fortement sur la dimension glorieuse et héroïque du résistant. Les photographies d’hommes forts et armés n’étaient pas représentatives de la population qui manquait cruellement d’armes. À l’inverse, le rôle des femmes et des étrangers a été largement passé sous silence.

Robert Doisneau - FFI derrière une barricade
Robert Doisneau, 23 août 1944 – FFI derrière une barricade, Saint-Germain / Saint-Michel
Paris, musée Carnavalet. Dimensions : 39,4 x 29,7

« Tout comme les individus, les sociétés humaines, quelles que soient leur importance (…) ont la mémoire sélective. »
J. Peyrot

La Libération de Paris

Le 24 août, la 2e Division Blindée du générale Leclerc entre dans Paris. La ville est officiellement libérée le lendemain lorsque le général Von Choltitz signe la convention de reddition. Aucune photo n’a été prise pour immortaliser ce moment, à défaut une autre photographie sera utilisée et détournée.

Très rapidement on cherche à punir les coupables. De nombreux soldats allemands sont faits prisonniers mais on s’en prend aussi aux collaborateurs. Dès le 24 août, des femmes suspectées d’avoir entretenu des relations avec des nazis sont tondues, 20 000 subiront ce sort en France. Certaines seront même condamnées, torturées, voire exécutées, parfois sans procès.

Le soir du 25 août, le général de Gaulle prononce son célèbre discours.

Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé mais Paris libéré !

Il défilera dans Paris le lendemain dans une formidable liesse populaire mais la situation est encore instable : quelques fusillades éclatent, la Luftwaffe bombardera encore une fois la ville en soirée, faisant 189 morts, et les combats se poursuivent en périphérie.

Le 29 août, les troupes américaines entrent à leur tour dans Paris, marquant la fin des combats dans la capitale et le retour à une certaine insouciance nourrie de fêtes et de plaisirs simples.

L’exposition montre un film très intéressant sur la Libération de Paris. Le discours est exagérément exalté et peu objectif mais ces images sont un passionnant témoignage de l’ambiance qui régnait dans la ville pendant les batailles du mois d’août.

Après la libération, Paris assiste au retour en masse des prisonniers et des déportés. On repense alors au livre La douleur de Marguerite Duras, dans lequel elle évoquait l’attente des survivants :

Tout à coup une rumeur : « Les voilà ! » Dehors, les femmes n’ont pas crié. Elles n’ont pas applaudi. Tout à coup débouchent du couloir d’entrée deux scoutes qui portent un homme. L’homme les tient enlacés par le cou. Les scouts le portent, les bras en croix sous les cuisses. L’homme est habillé en civil, il est rasé, il a l’air de beaucoup souffrir. Il est d’une étrange couleur. Il doit pleurer. On ne peut pas dire qu’il est maigre, c’est autre chose, il reste très peu de lui-même, si peu qu’on doute qu’il soit en vie. Pourtant non, il vit encore, son visage se convulse dans une grimace effrayante, il vit. Il ne regarde rien, ni le ministre, ni la salle d’honneur, ni les drapeaux, rien. Sa grimace, c’est peut-être qu’il rit. C’est le premier déporté de Weimar qui entre dans ce centre.

En fin de parcours, une salle dédiée aux témoignages permet d’avoir un autre regard sur ce qu’était le quotidien des parisiens. On y trouve des photographies d’amateurs, souvent prises depuis des balcons, ainsi qu’un écran interactif qui permet de localiser des témoignages sur une carte de Paris.

Dans une autre salle, une interview du généticien Axel Kahn aide à prendre du recul sur l’exposition. Il nous explique comment les images historiques imprègnent notre mémoire et participent à la construction d’une mémoire patriotique collective.

Une exposition passionnante à voir jusqu’au 8 février 2015

Au-delà d’une simple exposition sur l’occupation, Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé permet surtout de comprendre comment l’image se crée en temps de guerre. Grâce à une signalétique intelligente, le visiteur peut facilement voir quelles étaient les photographies montrées lors de l’exposition de 1944 et celles qui viennent les compléter pour rétablir la vérité historique.

Pour aller plus loin, le site Libérez Paris 2014 imagine ce que trois parisiens auraient pu écrire sur un blog il y a 70 ans et recense les différents événements qui ont lieu dans la Capitale à l’occasion de ce 70e anniversaire.

Informations pratiques :

Jusqu’au 8 février 2015
Musée Carnavalet – Histoire de Paris
16, Rue des Francs-Bourgeois (3e arrondissement)

Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Tarif plein : 8 € / Tarif réduit : 6 €

www.carnavalet.paris.fr

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  • […] Dès le 11 novembre 1944, le Musée Carnavalet présentait déjà une exposition sur la libération. Réalisée à la hâte elle affichait un point de vue biaisé À l’occasion du 70e anniversaire de la Libération de Paris, le Musée Carnavalet propose un nouveau regard sur l’exposition de 1944, en rétablissant la vérité historique.  […]

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