C’est une belle journée d’avril, parmi les premières journées ensoleillées de l’année, on se croirait déjà en été. Le ciel est d’un bleu magnifique, les oiseaux chantent, un vent chaud vient frapper mon visage. Sur la plage – magnifique – qui s’offre devant moi chacun vaque à la banalité de son quotidien : certains font du sport, des enfants jouent au loin, d’autres profitent d’une agréable balade… Rien pour venir perturber le paysage idyllique devant lequel je me trouve.
Et pourtant, je me sens fébrile, touché. En plein cœur. Cette plage désormais rendue à sa quiétude se situe sur la commune de Colleville-sur-Mer, plus connue sous le nom de Omaha Beach. C’est sur ce même sable que le matin du 6 juin 1944 quelques 1500 hommes ont trouvé la mort, donnant à cette plage le triste surnom de “Omaha la sanglante”. Je pense alors à ces quelques mots d’Andrée Chédid :
“Sur cette parcelle du vaste monde, sur cette scène se joue, une fois de plus, une fois de trop, le théâtre barbare de nos haines et de nos combats. (…) Les siècles s’agglutinent en ce lieu dérisoire, exigu, où la mort, une fois de plus, joue avant son heure son implacable, sa fatale partition. Tandis que les planètes – suivant leurs règles, suivant leurs lois, dans une indifférence de métronome – continuent de tourner. Comment mêler Dieu à cet ordre, à ce désordre ? Comment l’en exclure ?”
En gravissant les dunes qui dominent ce paysage tragiquement sublime, je découvre quelques blockhaus qui seuls trahissent ce qui s’est joué ici. Bien que vidés de leurs occupants, canons et mitraillettes, on devine sans mal que c’est de cet endroit même que tant de munitions ont été tirées vers la plage.
Et puis, tout en haut de la colline, une vaste étendue d’où surgissent des milliers de croix blanches, sculptées dans du marbre de Lasa. 9 387 pierres tombales de soldats américains décédés au cours de la bataille de Normandie entre 1942 et 1946. Alors que je longe l’immense cimetière, j’entends un guide expliquer que ce ne sont pourtant là que 39 % des soldats qui sont ont perdu la vie dans cette bataille, les 61 % restant ayant été rapatriés au pays à la demande de leurs familles.
Au milieu du cimetière, une sobre chapelle permet à ceux qui le souhaitent de se recueillir. Son plafond en mosaïque représente l’Amérique bénissant ses fils qui partent au combat, et la France reconnaissante qui dépose une couronne de laurier sur les morts. A l’Est, on trouve un mémorial où s’élève une statue haute de 7 mètres représentant « L’Esprit de la jeunesse américaine s’élevant des flots » puis, juste derrière, le jardin des disparus avec une liste bien sûr trop longue de noms de soldats engagés dans la bataille de Normandie et dont les corps n’ont pu être retrouvés.
Devant l’alignement parfait des pierres tombales qui surplombent la plage, je me sens coupable de trouver ce lieu beau et reposant. Il règne pourtant ici une vraie quiétude – signe de la liberté retrouvée ?
Si vous séjournez quelques jours en Normandie, prenez le temps d’aller voir cet impressionnant cimetière si riche en Histoire(s) et en émotions. Arrêtez-vous également dans le « visitor center » situé à l’entrée du cimetière, il apporte de nombreuses informations sur l’opération Overlord et la replace dans son contexte historique.
Informations pratiques
Adresse :
Cimetière Américain de Normandie
Omaha Beach
14710 COLLEVILLE-SUR-MER
Horaires :
Tous les jours sauf le 1er janvier et le 25 décembre
Du 15/04 au 15/09 : de 9 h à 18 h
Du 16/09 au 14/04 : de 9 h à 17 h
Site internet :
https://www.abmc.gov/
Tarif :
Gratuit
Des personnes ont réagi à cet article
Voir les commentaires Hide commentsTrès émouvant article !
Merci David !
Très bel article ! Tu décris avec justesse ce que l’on ressent dans ce lieu… j’ai ressenti la même impression troublante de quiétude et d’émotion face à toutes ces croix… et lorsque l’on sait que ce n’est qu’une petite partie des soldats qui y sont, c’est encore plus frappant !