Comment faire vivre les collections d’un musée quand il est en travaux pour plusieurs années ? C’est le challenge de l’équipe du Musée des Beaux Arts de Nantes. Entre de multiples prêt aux autres musées nationaux et l’organisation d’expositions temporaires dans plusieurs lieux de la ville, force est de constater que le défi est plutôt bien relevé !
Le 19 juin, le Musée inaugurait une exposition dédiée à Fernand Léger, premier acte d’une programmation riche, à découvrir tout au long de la saison estivale.
Fernand Léger : reconstruire le réel
Jusqu’au 22 septembre 2014, la Chapelle de l’Oratoire de Nantes propose un regard sur l’oeuvre de Fernand Léger de la fin des années 20 au début des années 40. A travers cinq thématiques regroupant une trentaine de tableaux ainsi que quelques dessins, l’exposition s’attache à montrer comment Léger, pourtant considéré comme un peintre « réaliste », a utilisé des objets de la vie quotidienne pour construire une recherche artistique parfois proche du surréalisme, mouvement qu’il observe avec attention.
L’exposition débute par Le Ballet Mécanique, considéré comme le premier film sans scénario. Si je suis peu sensible à cette projection qui est, par définition, complètement destructurée, elle permet cependant de comprendre rapidement ce qui est au coeur de l’oeuvre de Léger : l’objet.
Dans les années 20, les surréalistes sont fascinés par les mises en scène d’objets dans les vitrines. Léger n’échappe pas à cette observation :
On ne considère plus l’objet selon son utilité mais en fonction de son esthétisme. Léger crée des tableaux incongrus, comme des vitrines de magasins à l’image de la Composition à la main et aux chapeaux où des bouteilles, des cuillères ou encore des chapeaux sont placés autour d’une caisse enregistreuse.
Cependant, si chez les surréalistes l’association d’objets est liée au hasard (rappelons que dans le manifeste du surréalisme, André Breton le définit comme un “automatisme psychique pur”), chez Léger l’association d’objets est bien consciente.
En progressant dans notre visite, on comprend mieux le processus de Léger : il part du réel qu’il épure pour en faire de l’abstrait. L’art lui permet de produire une nouvelle réalité.
Après avoir libéré le motif, il cherche donc à le décontextualiser, à le détacher du réel. On peut visualiser ce cheminement en observant l’évolution de sa représentation du chapeau.
A propos de La Joconde aux clefs, il explique sa façon de créer le tableau et d’organiser les objets :
A partir de 1928, Fernand Léger met de côté les objets du quotidien pour laisser place au biomorphisme, c’est-à-dire le recours à des formes liées à la vie (végétaux, animaux). C’est ainsi que l’on voit naître dans ses créations des formes plus abstraites, inspirées par la nature.
En 1933, il se rend à Athènes et découvre la Grèce classique d’où il revient avec la volonté d’épurer le sujet. Dans une nouvelle série d’oeuvres, il ne cherche plus à mettre en scène les objets comme auparavant mais les isole. Les formes, agrandies, flottent sur un fond neutre. Pour autant, Léger reste dans une forme d’abstraction : sans les légendes il est souvent difficile d’identifier la forme représentée, l’objet est un nouveau support qui appelle des émotions.
L’exposition se termine par la période américaine. Fernand Léger a voyagé plusieurs fois aux Etats-Unis dans les années 30 et s’y installe de nouveau au début des années 40. En pleine période de guerre, New-York fait figure de terre d’exil pour de nombreux artistes qui ont fui l’Europe (Breton, Ernst, Chagall…). Aux côtés de ces surréalistes et inspiré par les néons qui s’imposent dans les rues, Léger réinvente sa peinture : les couleurs ne sont plus limitées à des formes précises, elles s’étendent sur plusieurs objets, ce qu’il nomme “la couleur du dehors”.
J’entends régulièrement des critiques à propos de l’art moderne, il faut bien avouer que sans clef de lecture il est souvent difficile d’appréhender les œuvres de ce courant et celles de Léger n’y font pas exception. Heureusement, l’exposition Reconstruire le réel présente pas à pas les différentes phases chez Léger et nous aide à comprendre son processus de création et à voir la richesse artistique de ses toiles.
La scénographie est sobre mais réussie : les murs gris alliés à la belle luminosité de la chapelle mettent à l’honneur les tableaux de Léger. Pour des raisons de conservation, la salle présentant les dessins est légèrement assombrie. La toile tendue au plafond donne à cette salle un côté intimiste qui invite à se rapprocher des oeuvres pour mieux les observer. Seul bémol, la chapelle étant relativement petite, les bancs présentés face aux deux films projetés ne peuvent pas accueillir de nombreux visiteurs, il faudra probablement s’armer de patience en cas de forte affluence pour pouvoir les regarder dans de bonnes conditions.
On notera que l’exposition est organisée en collaboration avec le musée Fernand Léger de Biot. Elle a reçu le label « Exposition d’intérêt national » délivré par le Ministère de la Culture à 20 expositions remarquables organisées hors de Paris.
Informations pratiques :
Musée des Beaux Arts de Nantes / Chapelle de l’Oratoire
Place de l’Oratoire (44000 Nantes)
Jusqu’au 22 septembre 2014
Du 20 au 26 juin et du 1 au 22 septembre : tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 20h
Du 27 juin au 31 août : tous les jours de 10h à 19h
Tarif plein : 5 € / Tarif réduit : 3 €
Un musée en travaux = un musée mort ? Que nenni !
Parallèlement à l’exposition Fernand Léger, le musée des Beaux Arts de Nantes continue de faire vivre ses collections en proposant des expositions hors les murs.
Ainsi, vous pourrez découvrir cet été à Nantes et jusqu’au 31 août :
– La sculpture au musée : Canova, Rodin, Pompon…, à l’Atelier
– Aida Makoto, au Château des Ducs de Bretagne
– Musée nomade 2 : Anne et Patrick Poirier – Curiositas, à l’Ecole d’Architecture, au Lieu Unique, au Passage Sainte-Croix, à la Maison de l’Architecture et au Temple du goût.
Que les hyper parisiens se rassurent, sept chefs d’oeuvres du musée des Beaux Arts de Nantes seront à découvrir au Petit Palais dans l’exposition “De Ingres à Polke”, dès le 30 septembre. A suivre…
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