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L’Occident découvre l’existence des îles Salomon au XVIe siècle. Alvaro de Mendaña y Neira, convaincu de mettre la main sur les mines d’or qui firent la richesse légendaire du roi Salomon, y découvre en fait des gisements de pyrite de fer. Après quelques mois, les explorateurs se désintéressent de l’archipel jusqu’aux expéditions cartographiques du XVIIIe siècle, rapidement suivies de missions chrétiennes destinées à évangéliser les insulaires. Les îles Salomon s’affranchissent de 85 ans de protectorat britannique en 1978, après avoir notamment été impliquées dans la guerre du Pacifique en tant que base militaire américaine dès 1942.

 

Description de la Yndias Ocidentales, 1723, Madrid (1e ed. 1615, Séville)
Description de la Yndias Ocidentales, 1723, Madrid (1e ed. 1615, Séville)

 

Malgré l’interdiction des expéditions guerrières par l’administration britannique et son refus des symboles d’égalité entre colons et insulaires, la vivacité des traditions populaires et la transmission ininterrompue des savoir-faire permettent aux ethnologues de comprendre une culture née de 29.000 ans de brassage. Aujourd’hui, les artefacts traditionnels sont encore produits, à la fois comme objets sacrés et comme marchandises destinées à l’exportation. Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, certains sculpteurs s’adaptent aux goûts de ces nouveaux marchés en se rapprochant des conventions de représentation de l’art occidental.

 

Buste, début du XXe siècle, îles Salomon occidentales
Buste, début du XXe siècle, îles Salomon occidentales

 

L’essentiel de la production des objets présentés dans l’exposition s’explique par leur rôle de réceptacle du mana,  pouvoir des esprits sollicités lors des rituels. Les jeux de formes et de couleurs entre le noir, le blanc, et le rouge, sont destinés à produire un trouble visuel qui symbolise la présence du surnaturel parmi les hommes. En plus d’accueillir le pouvoir des esprits, les artefacts servent notamment de monnaie d’échange, de protection ou de parures de prestige pour les chefs qui s’approprient leur mana en les portant.

 

Charme de monnaie de plumes Tambu, début du XXe siècle, île de Santa Cruz
Charme de monnaie de plumes Tambu, début du XXe siècle, île de Santa Cruz

 

Cette gamme chromatique n’est pas sans rappeler les écrits de Michel Pastoureau sur la symbolique des couleurs en occident. Il identifie le noir, le blanc et le rouge comme la base du système de couleurs antique – qui s’enrichit par la suite du bleu, du vert et du jaune. Cette triade se retrouve d’ailleurs dans de nombreux contes parvenus jusqu’à nous : le Petit Chaperon Rouge est une petite fille vêtue de rouge qui va porter un pot de beurre blanc à une grand-mère dévorée par un loup noir. Blanche-Neige tient son nom de sa peau blanche, ses lèvres rouges et sa chevelure noire.  Dans le Corbeau et le Renard (fable connue sous la plume d’Esope avant d’être popularisée par Jean de la Fontaine), un corbeau noir laisse échapper un fromage blanc dans la gueule d’un renard rouge.

Par ailleurs, l’historien souligne que jusqu’au Moyen-âge, la brillance d’une couleur a plus d’importance que sa tonalité. Ainsi rapprochait-on plus volontiers un rouge lumineux d’un noir dense que d’un rouge délavé. De même, dans les cultures du Pacifique, c’est bien l’intensité du pigment et ses effets iridescents qui font sens et matérialisent la présence des ancêtres.

 

Modèle de pirogue de guerre avec figure de proue, milieu du XIXe siècle, îles Salomon orientales
Modèle de pirogue de guerre avec figure de proue, milieu du XIXe siècle, îles Salomon orientales

 

Il serait tentant de faire des rapprochements hâtifs entre les cultures et les siècles. Magali Mélandri, commissaire de l’exposition, souligne que le modèle occidental n’est pas transposable. De fait, c’est plutôt la facilité d’accès aux pigments naturels qui aurait induit le choix des teintes. Le bleu, très rare à l’état naturel, est d’ailleurs adopté dès son introduction dans l’archipel, à la fin du XIXe siècle. Le bleu Guimet ou bleu outremer synthétisé (vulgairement appelé « bleu lessive ») séduit les insulaires par sa vivacité – tout comme la peinture acrylique a connu un immense succès dès son introduction en Australie. Aussi, l’exposition évoque-t-elle bien l’éclat et non la couleur des ombres.

 

Etoffe d’écorce battue Pohe  début du XXe siècle, île de Santa Isabel
Etoffe d’écorce battue Pohe début du XXe siècle, île de Santa Isabel

 

Claude Levi-Strauss, dans Tristes Tropiques, invite l’humanité à « saisir l’essence de ce qu’elle fut et continue d’être, en-deçà de la pensée et au-delà de la société ». C’est un peu de cela que l’on retrouve dans l’éclat des ombres.

 

Informations pratiques :

 

Musée du quai Branly
37, quai Branly (Paris 7e)

Jusqu’au 1er février 2015
Mardis, mercredis et dimanches : de 11h à 19h
Jeudis, vendredis et samedis : de 11h à 21h

Tarif plein 9 € / tarif réduit 7 €

 

https://culturezvous.com
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Comments to: L’éclat des ombres, l’art en noir et blanc des îles Salomon

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